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Mort de Sappho de Miguel Carbonell Selva
Notre Anactoria, Attys, s’en est allée.
Gardant de vos beaux jours l’image inconsolée,
Elle qu’émerveillait la douceur de ta voix,
Qui fit de toi son mile et sa pure ambroisie,
Elle habite aujourd’hui dans la lointaine Asie
Comme la lune au ciel, calme, suivant sa voie,
Changeant la sombre mer en ruisseau de lueurs,
Et versant sa rosée au cœur fragrant des fleurs,
Pâlit autour de soi les feux vifs des étoiles,
Ainsi son beau regard et son front souriant
Eclipsent les splendeurs des femmes d’Orient.
Mais on âme est meurtrie et ses regards se voilent ;
Elle t’appelle, Attys, et son cri et sa plainte
Arrivent jusqu’à nous, portés par la nuit sainte.
Traduit du grec par Marguerite Yourcenar,
In, « La couronne et la lyre,
Anthologie de la poésie grecque ancienne »
Editions Gallimard, 1979
Ô mon Atthis, dans la lointaine Sarde est partie
Anactoria qui fut aimée de nous, Mais sa pensée souvent ici revient.
Comme jadis quand nous vivions ensemble et
qu’elle t’adorait ainsi qu’une déesse apparue
ici-bas, et ton chant plus que tout la charmait.
Maintenant parmi les femmes lydiennes elle resplendit
comme, une fois le soleil
couché, la lune aux doigts de rose,
éclipsant tous les astres, sa lumière se ver-
se sur la mer salée,
sur les prés aussi aux maintes fleurs.
La rosée alors en gouttes de beauté est éparse,
s’épanouissent alors les roses et le délicat cerfeuil
et le mélilot parfumé.
Mais elle en mainte errance, de la douce
Atthis elle se souvient, dans le désir,
son tendre cœur pour ton destin ; oui, se consume
D’ailleurs là-bas vers elle d’un cri aigu elle nous le clame
et cet appel
inconnu et secret, la nuit nombreuse
le redit par-delà les mers... entre nous...
Traduit du grec ancien par Yves Battistini
In, Sapphô : « Odes et fragments »
Editions Gallimard (Poésie), 2005
L’absente
O mon Atthis, dans Sardes vit au loin
Mnasidika que nous aimons toutes deux,
Et sa pensée auprès de nous revient.
Tu lui paraissais une fée
Aux temps où nous vivions ensemble,
Nul autre chant ne la charmait.
Chez les Lydiennes elle luit,
Comme, après le soleil couché,
La lune aux doigts de rose luit.
Près d’elle tout astre pâlit.
Sa clarté sur la mer salée
Se verse, et sur les prés fleuris.
Et la rose sous la rosée,
Le fin cerfeuil s’épanouit,
Et le mélilot parfumé.
Mais elle, elle erre et se souvient
D’Atthis en fleurs, son âme est pleine
Du désir, cœur lourd de chagrin.
Et son cri aigu nous appelle.
L’appel inconnu et secret,
La nuit aux multiples oreilles,
A travers les mers entre nous,
L’a entendu et répété...
Traduit du grec par Robert Brasillach,
In « Anthologie de la poésie grecque »
Editions Stock, 1950
Voir aussi :
« Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs ! » (22/02/2017)
Aphrodite / εἰς Ἀφροδίτην (30/03/2017)
A une aimée (10/05/2017)
Nocturnes (14/05/2019)
« Et je ne reverrai jamais... » (13/05/2020)
« ... Rien n’est plus beau... » (13/05/2021)
Je serai toujours vierge (27/06/2021)
« Je ne change point... » 19/05/2022)
Ode à Aphrodite (17/05/2023)
Confidences (16/05/2024)