Inger Christensen (1935 - 2009) : Le for intérieur
Inger Christensen, le 5 décembre 1969
Le for intérieur
L’obscurité gargouille à travers pays et poumons
le vent rebat les lieux communs
le lieu dans la bouche où les cris font la queue
le lieu où l’espoir refuse de mourir
nous trahissent silencieux et inertes
dans le monde où tout est valeur
nous prêtent des paroles
que rien n’est valable
L’obscurité entre et sort de la tête
rien n’y entre, rien n’en sort
les arbres ramifient chaque branche du sang,
oxygènent l’inquiétude de nuit et de vent
la nuit et le vent du néant
Je dois bien l’avouer dans le for intérieur
assis derrière l’œil tu songes peut-être
à la première rencontre, au soleil, au jamais empêcher
je dois bien l’avouer maintenant
que l’ombre est méchante, que nuit et moi
que nous et que je et je
et demande
L’obscurité se concentre sur la tour supérieure
la porte du cerveau est déjà forcée
qu’avons-nous, que nous manque-t-il,
qu’est-ce, où sommes-nous et que voyons-nous
avec l’angoisse du phare avec l’angoisse du phare
que sommes-nous, nous nous agrippons
Sur la mer deux cœurs allument leur feu de détresse
Traduit du danois par Janine et Karl Poulsen
in, « Lumière »
Les cahiers de Royaumont,1989
Voir aussi :
Lumière (21/03/2021)
Il (21/03/2022)