Elizabeth Barrett Browning (1806 – 1861) : « Si pour toi je quitte tout... » / « If I leave all for thee... »
XXXV
Si pour toi je quitte tout, en échange
Seras-tu tout pour moi ? N’aurais-je point
Regret du baiser que chacun reçoit
A son tour, et ne trouverais-je étrange
Levant la tête de voir de nouveaux murs ?
Comment... une autre maison que celle-ci ?
Combleras-tu cette place auprès de moi
Pleines de trop tendres yeux pour changer ?
C’est le plus dur. Si vaincre l’amour est
Eprouvant, vaincre la peine plus afflige ;
Car la peine est amour et peine aussi.
Las, j’ai souffert et suis rude à aimer.
Mais aime-moi – veux-tu ? Ouvre ton cœur,
Et drape en lui les ailes de ta colombe.
Traduit de l’anglais par Lauraine Jungelson
In, Elizabeth Browning : « Sonnets portugais et autres poèmes »
Editions Gallimard (Poésie), 1994
XXXV
If I leave all for thee, wilt thou exchange
And be all to me? Shall I never miss
Home-talk and blessing and the common kiss
That comes to each in turn, nor count it strange,
When I look up, to drop on a new range
Of walls and floors ... another home than this?
Nay, wilt thou fill that place by me which is
Filled by dead eyes too tender to know change?
That's hardest. If to conquer love, has tried,
To conquer grief, tries more ... as all things prove;
For grief indeed is love and grief beside.
Alas, I have grieved so I am hard to love.
Yet love me—wilt thou? Open thine heart wide,
And fold within, the wet wings of thy dove.
Poems
Chapman and Hal Publishers, London, 1850