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Femmes en Poésie
5 mars 2023

Heather Dohollau (1925 – 2013) : Fleurs

moton275[1]

 

Fleurs

 

ROTHKO ET LES IRIS

     De l’un à l’autre

     les yeux repassent

     le tableau et les fleurs

 

     comme un écoute

     les couleurs ont à dire

     elles sont de force égale

     leurs mots font mal

 

     car quelque part

     mais où

     chacun est l’autre

 

IPOMEE

UNE FLEUR BLEUE

 

Le matin tôt        les teintes de rose

s’innervent de bleu       un entonnoir délicat

à gorge de neige       boit le ciel et brûle

d’une flamme miroir      pour vers le soir

se cueillir       en ses braises

 

 LILAS

 

     Sur la table le lilas crée son chemin

     là où son parfum a envahi l’air

     ces fleurs minuscules en forme de croix

     ont fait une bénédiction de l’espace

     nos mouvements sont ralentis comme par l’eau

     et cependant nous touchons à l’autre rive

 

LYS DE LA VALLEE

 

     Parfum inviolé       ces clochettes blanches

     emportées perdues dans de verts fourreaux

     qui       comme la rame d’Ulysse    évoquent l’eau

     où trempent les longues tiges dans de la terre étroite

 

POIS DE SENTEUR

 

Ici le papillon se fait pétale

et tremble au bord de soi

où seul le parfum suit les voies de l’air

 

PIVOINE

 

C’est encore l’avant-naissance

l’intra monde        les courbes serrées

de pétales entre soi        mais là où les fils d’ombre

supposent un chemin        attendent en labyrinthe

les plis du jour

 

SERINGA

 

     Tourelle      de loin

     de colombes       de près

     de billets dépliés

     d’une blancheur froissée

     odorante        une poussière

     d’or

 

IRIS

 

     Les hautes fleurs qui semblent annoncer

     des nouvelles par la terre         dont les mots

     s’arrêtent au regard

 

PERSONNAGES DANS DES INTERIEURS

(un domaine enchanté)

 

     Dans les quatre grands panneaux peints pour la bibliothèque de Docteur

Vasquez – miroirs qui gardent les présences - Vuillard a couvert toutes les

surfaces d’une même densité de motifs.  Ce vêtement à mille-fleurs rapiécé

par les espaces suggère une perméabilité à l’intérieur d’une clôture, car une

seule respiration parcourt ces correspondances qui perdurent. Et aucune main

ne déborde ces abris magiques pour questionner le temps au dehors, là où la vie

tressaille aux carrefours devant les chemins frais.

 

LA ROSE

 

     Seule en elle-même

     tenue de verre

     sur sa longue tige

     sans souffle

     elle brûle le temps

 

LE MIMOSA EN HIVER

 

     Le jaune très pâle      comme un appel de neige

    avec les teints de vert que garde le froid

     des perles infimes se tenant sur des fils

     à peine visible contre le rideau clair

     et toute cette splendeur pour le peu du temps.

 

SUR UNE GRAVURE DE ROBIN TANNER

 

     Ici les jonquilles

     font une haie de grâce

     un chant silencieux

     là où chaque fleur

     partage sa seule présence

     en gamme de l’être

     et si ces tendres voix

     aux tons solaires

     pénètrent au paradis

     par tracements sombres

     un temps serein

     découvre en cheminant

     leur face de gloire

 

 

Devant la fenêtre    le pommier est en fleur

à la hauteur de la chambre        les pas des yeux

pour tenir contre soi      cette robe brodée

au sombre du temps     avec pour lumière

la passion de cette fête       ce superflu

sans mesure de regard      un amour d’ange

 

ou est-ce la Chine ?       Si pour un Fils du ciel

un corbeau freux         fait tomber de son noir

des pétales blancs          et de ces nœuds défaits

éclaire le chemin

 

LE NOM DE LA ROSE

 

Un jardin dans une île

en clos oblique       y pénétrer

pour être défait de soi

ici dans le royaume de la rose

 

les parfums ont des voix

chacune unique     un concert

pour les aveugles      prêtant vue

 

les sons révèlent le multiple

d’un monde       son infini

où tout se trouve          si l’absence

est une porte

 

THE DAISY GIRL

 

Une salle de classe

et sur un mur        toi

petite fille pensive

dans une robe blanche

qui chante les couleurs

tenant dans ta main lasse

les fleurs fraîchement peintes

 

l’image écran de l’adulte

de l’enfant

qui devient plus tard

ta vision propre

quand sur une vielle carte postale

un soleil tardif

fait lever les brumes du pré

 

Un regard d’ambre

Editions Folle Avoine, 35137 Bédée, 2008 

Voir aussi :

 « Matière de lumière les murs… » (14/01/2017) 

« Si pour vivre il suffit de toucher la terre… » (11/02/2017)

La terre âgée (21/03/2017)

L’après-midi à Bréhat (28/04/2017)

Mère bleue (05/03/2018)

L’ombre au soleil (05/03/19)

Le tertre blanc (05/03/20)

Paulina à Orta (05/03/2021)

Lieux (06/03/2022)

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