Edith Azam (1973 -) : Bestiole-moi Pupille (1)
Bestiole-moi Pupille
Pupille
L’autre ?
L’autre le Fou
bave jusque sur sa poitrine
Commotion cérébrale
Pupille
observe les trous.
Aucune nuance
du noir
du noir et tout au fond
ça grouille.
Les mandibules creusent
le Fou parfois gémit
se contorsionne
mouvements secs
caquette dans ses étranglements.
Parler
parler ça se déchire
et pas le moindre espace
pour déplacer les choses.
Toutes les intimités :
nous infirment.
Pupille
cette fois c’est la peur.
C’est toujours
on pourrait presque dire
toujours la première fois.
La peur :
ça nous expulse.
L’autre
le Fou
brisé
n’admet pas les brisures.
Ca cambre et ça fendille
Pupille voit la mort
et reconnait l’état
après l’état suicide.
Pupille ne dit :
rien.
Ne dit rien et le Fou
plaque ses mains au mur
puis appuiera la tête.
Pupille peur
peur tête éclate.
D’une façon comme d’une autre
personne n’y échappe.
A regarder les trous on n’y échappe pas.
Bestiole à l’intérieur çà bouffe.
Les yeux
ça mange le visage
ça attaque à la chair.
Bestiole couche dans Pupille.
Pupille voudrait la parole
Bestiole viole tout langage.
Il ne reste de sens :
que silence.
Le Deuxième Homme
dernière solution.
Tentative éventrée
et les silences
correspondent.
Le Fou
hagard
ricane et c’est...
diabolique.
Pupille perd.
Il y a une profondeur
Bestiole avance :
la suivre.
Il y a une profondeur exacte :
la rencontre :
Deuxième Homme.
Le rire du fou spiralise.
Spiraliser dresse des murs.
Mais dans le creux
le Deuxième Homme
et Bestiole fait flèche.
Pupille traversée
Pupille bestiolée
Pupille dans Pupille
et pour mieux s’éjecter.
Vivre :
c’est d’abord dans les os.
Le Fou ricane et puis approche
avec ses jambes de bois tordues.
S’immisce dans Pupille.
Le cœur ça claque sans rien dire
mais dans le face à face :
debout.
Ca claque à faire hurler Bestiole.
Alors les déferlantes
les mandibules frénétiques
et qui taillent et s’appliquent
à taillader aigu.
Quand les nerfs fouettent le silence :
ne pas fléchir.
C’est dans la chair que ça s’écrit
et dans la profondeur :
du vide.
Le Fou
Bestiole
Deuxième Homme.
Combien de meurtres impossibles ?
Pupille close
ne pense pas.
Le monde n’est plus à penser
il n’y a pas d’autres solutions.
Les mains à plat sur le visage
et Bestiole dedans recommence à grincer
faire craquer ses dents au bord du gouffre et...
solitude.
Cette alternance d’être en soi
d’être en soi de se fuir...
Il y a un risque
nul ne le dit
Juste Bestiole qui ne plie pas.
Avec la main suivre la pluie.
Le Fou
dans l’angle de la pièce
son rire...
Le deuxième homme
vitre :
à briser.
Ses yeux plantés dans Pupille.
Pupille au centre ne bouge plus
reste avec Bestiole sous peau
et ne veux rien céder mais...
cède.
Le rire :
aigu.
Vitre :
à briser.
Pupille qui voudrait s’exclure
mais ne sait pas faire autre chose
que regarder les trous
les absences béantes
les gueules métal-froid :
qui sauvagent.
Le Fou :
prunelles plantées sur Pupille
les yeux rongés trop électriques.
Bestiole s’agite en dessous.
C’est toujours avec précision
que l’incision fait fulgurance.
Pupille serre les mâchoires
ferme les yeux
ne parle pas.
A l’intérieur Bestiole gratte
mange la tête
creuse l’os.
Bestiole fouille :
Insupportable.
Pupille laisse faire.
Le Deuxième Homme reste droit
fléchit parfois la tête.
Vitre à briser toujours
et de l’autre côté
Pupille au centre :
bestiolée
fait du silence avec sa bouche
et la fabrique du désir.
Pupille c’est incontrôlable
voudrait simplement dire :
le dira plusieurs fois
plusieurs fois qu’elle l’aime
qu’elle l’attend depuis mille ans
que mille ans c’est si long
et qu’à force d’attendre
Bestiole a mangé la parole.
Et lui restera là
à la regarder immobile
pour ne pas que tout brûle
et parce qu’il n’y aura :
rien à dire.
Parfois
parfois la respiration
de l’un à l’autre ça existe
ça creuse exactement pareil
et dans un même appel.
Vingt-trois heures vin rouge :
fin rouge.
Bestiole ivre
déconstruit.
Pupille ne respire plus
apnée.
Le Fou dit maintenir l’équilibre
s’en va baisser les stores.
Deuxième Homme voudrait : ...
et puis changer de peau.
Pupille plonge dans Bestiole
et lapide le temps aussi bien que l’espace.
La fiction est ouverte.
Minuit pile
Pupille :
partie
loin
loin
loin.
Trois heure matin
Pupille somnambule
et traverse la pièce.
L’espace a disparu
l’espace s’apparaît
comme une paroi inventée.
Bestiole a creusé dans la tête
Pupille met du sable dedans.
Pour cinq minutes somnambuler
laisser Bestiole à sa grignote
et puis sous le ciel presque blanc :
avancer..
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Bestiole-moi Pupille
Editions la tête à l’envers 58330 Crux la Ville, 2020
Voir aussi :
Tout Tom tout seul (26/05/2022)
Bestiole-moi Pupille (2) (08/11/2024)