Anne-José Lemonnier (1958 -) : La mort traversière
La mort traversière
que le silence est vaste ô colline
de douloureuse mémoire
que l’aube est triomphante ô mort
en l’unique amour
qu’il faut partir ô solitude si douloureuse
et de l’âme enceinte pour toujours
le sang dit en l’été qu’il faut
mourir et toute l’âme guette la même épreuve
solitude
si le sang connaît
le visage de la morte en l’âme dont la plaie
surplombera
l’été si loin
que tu sois le sang te donne à moi vers tant
de vie tant d’amour
sacramentale ô fille l’angoisse
de t’avoir vue mourir et de connaître
par le visage de la clarté
douloureuse ô première
le lien
de pluie et de terre
qui lie toute parole à toute
mort profondeur de la
désespérance comme le blé
prends le socle qu’une mort
a gercé de tant de solitude
l’agonie
persiste dans les germes sculpture
des yeux que l’arbre chute vers
tant de conscience ô mort
prête l’ogive et seule ton âme prie
mourir est un visage à ne plus taire
l’ogive sur ton âme comme leur faix
de solitude
lèvres mues
en l’infrangible amour
arable ta paupière sur la contrée perdue
des maïs morts l’enfance tournoyait
entre nos doigts fragilement sauvée
dans une étreinte même
du sol et des sanglots
la mort était comprise jeunesse bleue
des glands qui encerclaient notre ère
déjà dans son écroulement
l’écluse regorgeait de l’angoisse des plaines
parmi ce nom l’évanouissement sûr
des arches de ton corps
blessé dans l’hirondelle
qu’il fit de sa violence native un sacrement
l’âme recrue c’était encore une autre plaie
qu’en la bruyère notre âme écartelait
mais tu rêvais d’ouvrir le nom torrentueux
de tant d’amour aux cils devers la mort
la rose était charnelle que l’angoisse
creusait dans l’indistincte mort
des prairies
tout l’ajonc reprenait ce hurlement charnel
qu’en l’automne abreuvèrent de souffrance les yeux
- infinitude !
aujourd’hui que des ormes la confiance nous meuble
dans l’agonie de tout vers un autre village
nouveau-nés que ton sang nous étrenne la haie
l’inexpugnable haie sourdre de son néant
qu’aimaient-ils ô tragiques
connaître que tu pourrissais ô arc-en-ciel
dans la boue transversale tu démembrais
ta pureté lorsque nous eûmes devers toi
un geste concertant nous pauvres d’un sursaut
qui désaltère promettant la flétrissure
entre les yeux des ifs accentuation du socle
travaille la nuit gauche et comme irradiant
l’aile blanche des goélands sur la stupeur
rayonne bleuet doux vois la cinglante
catastrophe des artères où fut ouverte
la déception puis le temps des noëls viendra
avec le gui de l’astre clair et du courage
ne cherche plus car le chemin s’est égaré
dans la divination de la lumière il dort
comme si tout était résolu l’herbe est plus haute
que son regard dans la jonction des certitudes
Revue « Poésie partagée »
Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984
Voir aussi :
« Au lieu de pleurer… » (08/12/2017)
« Le vent déchirent les feuilles mortes... » (31/10/2020)
Les yeux de l’Aven (1) (03/11/2021)
Les yeux de l’Aven (2) (30/10/2022)