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Femmes en Poésie
30 octobre 2023

Anne-José Lemonnier (1958 -) : La mort traversière

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La mort traversière

 

que le silence est vaste ô colline

de douloureuse mémoire

 

que l’aube est triomphante ô mort

en l’unique amour

 

qu’il faut partir ô solitude si douloureuse

et de l’âme enceinte pour toujours

 

 

 

le sang dit en l’été qu’il faut

mourir et toute l’âme guette la même épreuve

 

solitude

 

si le sang connaît

le visage de la morte en l’âme dont la plaie

surplombera

 

l’été si loin

que tu sois le sang te donne à moi vers tant

de vie tant d’amour

 

 

 

sacramentale ô fille l’angoisse

de t’avoir vue mourir et de connaître

 

par le visage de la clarté

douloureuse ô première

 

le lien

de pluie et de terre

 

qui lie toute parole à toute

mort profondeur de la

désespérance comme le blé

 

 

 

prends le socle qu’une mort

a gercé de tant de solitude

 

l’agonie

persiste dans les germes sculpture

 

des yeux que l’arbre chute vers

tant de conscience ô mort

 

 

 

prête l’ogive et seule ton âme prie

mourir est un visage à ne plus taire

 

l’ogive sur ton âme comme leur faix

de solitude

 

lèvres mues

en l’infrangible amour

 

 

 

arable ta paupière sur la contrée perdue

des maïs morts l’enfance tournoyait

entre nos doigts fragilement sauvée

 

dans une étreinte même

du sol et des sanglots

 

la mort était comprise jeunesse bleue

des glands qui encerclaient notre ère

déjà dans son écroulement

 

 

 

l’écluse regorgeait de l’angoisse des plaines

parmi ce nom l’évanouissement sûr

des arches de ton corps

 

blessé dans l’hirondelle

qu’il fit de sa violence native un sacrement

 

 

 

l’âme recrue c’était encore une autre plaie

qu’en la bruyère notre âme écartelait

 

mais tu rêvais d’ouvrir le nom torrentueux

de tant d’amour aux cils devers la mort

 

 

 

la rose était charnelle que l’angoisse

creusait dans l’indistincte mort

des prairies

 

tout l’ajonc reprenait ce hurlement charnel

qu’en l’automne abreuvèrent de souffrance les yeux

- infinitude !

 

 

 

aujourd’hui que des ormes la confiance nous meuble

dans l’agonie de tout vers un autre village

nouveau-nés que ton sang nous étrenne la haie

 

l’inexpugnable haie sourdre de son néant

qu’aimaient-ils ô tragiques

 

 

 

connaître que tu pourrissais ô arc-en-ciel

dans la boue transversale tu démembrais

ta pureté lorsque nous eûmes devers toi

un geste concertant nous pauvres d’un sursaut

 

qui désaltère promettant la flétrissure

entre les yeux des ifs accentuation du socle

travaille la nuit gauche et comme irradiant

l’aile blanche des goélands sur la stupeur

 

 

 

rayonne bleuet doux vois la cinglante

catastrophe des artères où fut ouverte

la déception puis le temps des noëls viendra

avec le gui de l’astre clair et du courage

 

ne cherche plus car le chemin s’est égaré

dans la divination de la lumière il dort

comme si tout était résolu l’herbe est plus haute

que son regard dans la jonction des  certitudes

 

 

Revue « Poésie partagée »

Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984

Voir aussi :

« Au lieu de pleurer… » (08/12/2017)

« Le vent déchirent les feuilles mortes... » (31/10/2020)

Les yeux de l’Aven (1) (03/11/2021)

Les yeux de l’Aven (2) (30/10/2022)

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