Edith Azam (1973 -) : Bestiole-moi Pupille (2)
Bestiole-moi Pupille
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Mi-voix.
Il lui dirait
des mots d’amour...
Les dit
les répètera plusieurs froids.
Pupille reste :
muette
et ça la dénude.
Ensuite après
tous deux l’un l’autre
quelques gestes
comme une danse avec le mains
pour caresser leur ombre
et tracer
le chemin.
Pupille lascive se laisse aller.
Tout lentement approche
s’enroule dans un creux.
Elle se parle ça sanglote
elle sanglote ça musique
c’est langoureux
L’écriture bestiole :
c’est éminemment langoureux.
Les choses ne sont pas si simples.
Six heures matin
les images reviennent :
le Fou qui mange Deuxième Homme
Deuxième Homme avalant le Fou
tout se mélange
ça va vite.
L’Homme Bestiole dévore Pupille
Le Deuxième en Fou
creuse partout
Troisième cinquième cent mille Bestioles :
Pupille tombe à terre
plante regard dans cavités :
rien à faire
les mandibules creusent.
La vie ne s’existe qu’à peine
et puis se loupe un peu beaucoup.
Le Deuxième Homme a disparu.
L’autre
le Fou
gratte ses ongles sur le mur
chante son rire de crécelle
Pupille tremble et dans ses os
Entre six-sept petit matin
tout :
s’effondre.
La lumière est trop froide
il n’y a que la respiration
toujours étroite
du silence.
Pupille se blottit la tête
se maintient dans ses mains
solide :
solitaire.
Après un temps aussi
le Fou cesse son chant
le Fou approche lentement
Dans sa tête Pupille
c’est tout çà qu’elle entend :
les pieds sur le plancher
les craquellements :
d’ossature.
Et reconnaît Bestiole
qui reprend sa grignote.
Le Fou s’arrête tout près d’elle
et leur violence contenue
a quelque chose d’indécent.
Puis Bestiole repart dans un trou
et les mâchoires ouvertes
patiente en salivant.
Le Fou reprend son chant crécelle
et tourne et tourne
et très longtemps
tout autour de Pupille.
Pupille se maintient
se parle dans sa tête
ne cède pas se parle
continue des paroles
qui n’existent même pas
se parle se fait voix...
Ne cède pas Pupille
s’invente se traverse
s’écriture dans souffle
va rejoindre Bestiole
au creux des cavités :
et fouille tout son air.
Le Deuxième Homme bouquet final
et tout pour faire grand spectacle.
Pupille avance sort d’elle-même
offre ce qu’elle ne connaît pas.
Les mains la peau :
c’est à rêver.
L’abandon pour l’éternité :
il n’y a pas d’autres endroits pour vivre.
La jouissance ?
C’est d’abord c’est toujours
une histoire de chute
c’est dans un appel d’air.
Le Deuxième Homme
bouquet final :
a pris le Fou sur ses épaules.
Pupille impuissante
voudrait tout simplement
un peu
voudrait s’exister l’autre.
S’arrache quelques mots
mais çà ne suffit pas :
rupture
Les fleurs étendues sur le lit ?
Des armes blanches
couchées malades.
En manque d’air Pupille
se crève en profondeur
dans une respiration
brutale
qui lui cloue :
le langage.
Pupille dessaisie.
Pupille fragmentée :
se perd.
Pupille le langage
ne sait même plus pourquoi.
La parole impossible
ça l’aura fait crever.
Silence plein la bouche
Pupille pense :
écrire
est une léprosité :
mentale
Pupille avance dans sa nuit
et ne sait plus très bien
qui elle est dans sa peau.
Des béances partout :
le langage figé lui craque les poumons.
Dans sa tête Pupille :
les mots se disloquent.
Devant elle le Fou
danse fiévreux
tout en boitant
dans les regards de...
Deuxième Homme.
Deuxième Homme :
le Fou lui déboîte le crâne
y recherche Bestiole
puis fatal
Deuxième en Fou
s’attaque à craquer Pupille.
Elle ne bouge pas
se replace en bestiole
s’enfonce dans un creux :
disparaître.
Pupille l’impossible
ça la fouille partout.
Hors de :
plus qu’elle-même.
Et tout va vite
très très vite.
S’éloigne de tout
Pupille
s’éloigne d’absolument tout
et coupe tous les liens.
Seule dans sa tête Bestiole
s’appuie sur le néant
pour retrouver le souffle.
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Bestiole-moi Pupille
Editions la tête à l’envers 58330 Crux la Ville, 2020
Voir aussi :
Tout Tom tout seul (26/05/2022)
Bestiole-moi Pupille (1) (05/11/2023)