Heather Dohollau (1925 – 2013) : L’après-midi à Bréhat
L’après-midi à Bréhat
pour Tanguy
Débarquer dans l’île est une entrée en
douceur. Comme si d’être tenue en main
de mer faisait trembler une balance
sensible, une respiration secrète.
On pénètre dans l’île par un chemin
qui va vers l’intérieur. Avec la
royauté des maisons sur leur socle rocheux
et l’étonnement des arbres d’avoir si
près d’eux le tout autre.
La lumière est une couronne placée par
des mains invisibles sur notre tête à tous.
Partout la mer est regard et l’île – une
mesure de distance.
Habiter ici, c’est vivre dans la permanence
d’un désir jamais satisfait et toujours
comblé.
Les chemins bordés de haies vives aux
noms sauvages, ensorcellent les pas,
comme des flèches qui reviennent déjà.
Maintenant, au début de Novembre, les
jardins sont déserts et immaculés,
L’herbe est intensément verte.
Le cimetière est tout près de l’eau, un
mur le couronne. A l’intérieur dorment
ceux qui attendent leur réveil dans un jour
autre et tendrement le même.
Sur la grève, les grands rochers se reposent
à marée basse, hors des importunités de l’eau.
Le silence n’est jamais absolu. En ce moment
le chant d’un rouge-gorge déplie l’heure
de ses papiers immédiats et la suspend
à une étoile encore à venir.
Quelques feux brillent lentement en signe
de présence.
Plus tard au début de la traversée, la vedette
esquisse une manoeuvre de retour, comme si
le départ n’aurait jamais dû avoir lieu.
D’en face, où la mer est une rose de rien,
les ombres sur la grève regardent les
bateaux rentrer en traçant parmi les dés
de pierre leurs sillons de miroir.
In, « Il fait un temps de poème
Textes rassemblés et présenter par Yvon Le Men »
Filigranes Editions, 22140 Trézélan
Voir aussi :
« Matière de lumière les murs… » (14/01/2017)
« Si pour vivre il suffit de toucher la terre… » (11/02/2017)
La terre âgée (21/03/2017)
Mère bleue (05/03/2018)
L’ombre au soleil (05/03/19)
Le tertre blanc (05/03/2020)
Paulina à Orta (05/03/2021)
Lieux (06/03/2022)
Fleurs 05/03/2023)