Shū Ting / 舒婷 (1952 - ) : - ? !
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Alors c’est vrai
tu veux m’attendre
attendre que j’aie semé le grain de mon panier
attendre que j’aie ramené à la maison les abeilles égarées
attendre que sur les bateaux, dans les villages, dans les usines
on ait allumé torches et lampes à huile
attendre que j’aie lu les fenêtres brillantes ou obscures
et que j’ai fini de dialoguer avec l’âme de la clarté et
celle des ténèbres
attendre que les grands principes se transforment en chansons
attendre que le soleil vienne illuminer l’amour
et que l’immense Voie Lactée se précipite sur nous
tu veux encore patiemment m’attendre
en construisant un petit radeau de fidélité
Alors c’est vrai
tu ne changeras pas brusquement d’avis
même si mes mains délicates se couvrent de gerçures
et si le rose de mes joues disparaît
même si ma flûte ne souffle plus que du sang
et si glace et neige ne fondent pas pour autant
même si j’ai le fouet dans le dos et le précipice devant moi
même si les ténèbres m’attrapent avant l’aurore
et si je sombre avec la terre
jusqu’à ne plus pouvoir laisser échapper un oiseau messager
de l’amour
malgré tout, ton attente et ta fidélité
sont bien le prix de tous mes sacrifices
laisse - les maintenant
tirer sur moi
je veux traverser sans me presser d’immenses territoires
pour venir à toi, à toi
le vent soulèvera mes longs cheveux épars
et je serai ton lys dans la pluie tourmentée
1981
Traduit du chinois par Jean – Rémy Bure
In « Le Ciel en fuite. Anthologie de la nouvelle poésie chinoise »
Editions Circé, 2004
Voir aussi :
Au chêne (09/04/2017)
La perle, cette larme de mer (24/01/2018)