Shū Ting / 舒婷 (1952 –) : Au chêne
Au chêne
Je t’aimerais…
non comme font les fleurs de givre grimpantes
qui t’empruntent ta plus haute branche pour te faire valoir ;
je t’aimerais…
non comme fait l’oiseau enamouré
qui rabâche pour ton ombre un chant pur ;
je ne m’en tiendrai pas à imiter la source
qui a longueur d’année offre la fraîcheur de sa consolation ;
ni les sommets périlleux
qui te rehaussent, font sortir ta dignité.
Ou même la lumière.
ou même la pluie.
Non, tout cela ne suffirait pas !
Je devrais être un pied de fromager à proximité de toi,
en tant qu’image de l’arbre être debout avec toi.
Racines s’empoignant sous terre,
feuilles se touchant dans les nuages,
à chaque souffle de vent
nous nous saluerions,
mais personne
ne comprendrait notre langage.
Tu aurais la solide charpente
du couteau, de l’épée
ou d’une hallebarde :
j’aurais mes grosses fleurs rouges
tels de lourds soupirs
ou des torches héroïques.
Nous partagerions vagues de froid, orages, foudre,
mais aussi la brume, les vapeurs, l’arc-en-ciel,
on nous croirait séparés pour toujours
pourtant nous serions liés à la vie.
Tel est le sublime amour,
là réside la constance :
l’amour…
aimer non seulement ta haute stature,
mais ta stabilité et la terre à tes pieds.
1977
Traduit du chinois par Chantal Chen-Andro
In, « Le ciel en fuite. Anthologie de la nouvelle poésie chinoise »
Editions Circé, 88210 Belval, 2004
Voir aussi :
? ! (03/03/2017)
La perle, cette larme de mer (24/01/2018)