Fâ’eqa Javâd Mohâjer (1975 -) : Ô vent !
PHOTO : GETTY IMAGES / AHMAD SAHEL ARMAN
Ô vent !
Ô vent, ne dis rien à mes yeux du malheur et du bonheur
Ne dis rien
Des jardins verdoyants du monde et des voyages
Là où au coeur des fleurs est morte la ferveur
Ne dis rien
Des oiseaux dont les stridulations chantent les roses
Aux éperviers ensorcelés par le pouvoir des cimes
Ne dis rien
Ne parle pas de quitter le nid par la magie des ailes
Cette nuit noire ancestrale est notre lot
Ne dis rien
Du soleil radieux de l’aube, ne dis rien
Aux enfants errant de porte en porte
Ne dis rien
De la géographie des villes de la joie pure
A l’arbrisseau tombé sous les coups de la hache
Ne dis rien
Du rêve énivrant de ressusciter au printemps
Aux filles de Kaboul avec leurs cheveux aux quatre vents
Ne dis rien
Des couronnes de fleurs rouges posées sur des fronts purs
Aux hommes écervelés de cette génération sans repère
Ne dis rien
Des filles énivrées et séduisantes
Ö vent ! Bien que le flacon de mes vers soit brisé
Ne dis rien
Des pierres du malheur au marchand de verre
Au destin sans foi ni loi, au coeur de pierre
Ne dis rien
De cette présence ténue de l’espoir et de l’attente
Tu as dit tant de choses, n’en dis pas plus
Ne dis plus rien
Des contes bleus de la mer.
Traduit du persan par Leili Anvar
In, « Le cri des femmes afghanes »
Editions Bruno Doucey, 2022
Voir aussi :
Printemps 29/06/2024)