Monica Mansour (1946 -) : je dis que le monde... » / « yo digo que el mundo... »
moi je dis que le monde ne finira pas
à cause d’inondations
ni de tremblements de terre
ni d’éruptions ou d’incendies
ni même pas à cause de nous
qui détruisons avec tant d’acharnement
il y aura le vent, un vent
bruyant, sifflant comme serpent d’air
robuste comme tronc séculaire
irascible comme parfois la mer
et il traînera, nous traînera
jusqu’à la folie du vol incontrôlable
coup après coups jusqu’à nous défaire
contre nous-mêmes
contre nos enfants et nos maisons
végétations et bêtes
contre des falaises et des rochers
soulevant la matière
pour la laisser tomber plus tard
coup après coup
la terre sera un recensement de cratères
comme la pleine lune
fouettée dans le déchaînement sans ailes
le vent soulève
et continue sans regarder en arrière
sans regarder les trébuchements de sa course
coup après coup
le visage, les genoux, le ventre
déchirés
matière et matière
cailloux lancés au hasard
friction décoincée
jusqu’à ce que les molécules ne soient
qu’un souffle immense d’énergie
puis le vent n’aura plus de substance
et reposera sa colère
il y aura le vent, un vent
répandu sur la terre le feu l’eau
seule peau de cette sphère
Traduit de l’espagnol par Adrien Pellaumail
In « Monica Mansour. Poèmes »,
Edition Caractères, Paris / Ecrits des Forges, Québec, 2009
yo digo que el mundo no se va a acabar
por inundaciones
ni por terremotos
ni por erupciones o incendios
ni siquiera por nosotros
que destruimos con tanto empeño
llegará el viento, un viento
ruidoso, siseante como víbora de aire
fornido como tronco secular
iracundo como a veces el mar
y arrastrará, no arrastrará
hasta la locura del vuelo incontrolable
golpe tras golpe hasta deshacernos
contra nosotros mismos
contra nuestros hijos y nuestras casas
vegetación y bestias
contra rocas y riscos
levantando la materia
para luego dejarla caer
golpe tras golpe
la tierra será un recuento de cráteres
como la luna llena
azotada en el desenfreno sin alas
ele viento levanta
y sigue sin mirar atrás
sin mirar los tropezos de su carrera
golpe tras golpe
la cara, las rodillas, el vientre
desgarrados
materia y materia
guijarros lanzados al azar
fricción desencajada
hasta que las moléculas sean sólo
un soplo inmenso de energía
luego el viento no tendrá sustancia
y descansará su ira
llegará el viento, un viento
derramándos sobre tierra fuego agua
unica piel de esta esfera
Vertigo
Joan Boldó i Climent, Mexico 1990
Voir aussi :
Lumière / Luz (07/02/2017)
« Je veux écrire des mots d’oiseaux... » / « quiero escribir palabras de ave... » (07/11/2022)
Silences de terre / Silencios de tierra (07/11/2023)
1968 (09/11/2024