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Femmes en Poésie
10 mai 2017

Saphô / Σαπφώ (vers 1630 – vers 1580 av. J. C.) : A une aimée

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A une aimée

 

Il goûte le bonheur que connaissent les dieux

Celui qui peut auprès de toi

Se tenir et te regarder,

Celui qui peut goûter la douceur de ta voix,

 

Celui qui peut toucher la magie de ton rire,

Mais moi, ce rire, je le sais,

Il fait fondre mon cœur en moi.

Ah ! moi, sais-tu, si je te vois,

Fût-ce une seconde aussi brève,

Tout à a coup alors sur mes lèvres

Expire sans force ma joie.

 

Ma langue est là comme brisée,

Et soudain, au cœur de ma chair,

Un feu irrésistible a glissé.

Mes yeux ne voient plus rien de clair,

A mon oreille un bruit a bourdonné.

 

Je suis de sueur inondée,

Tout mon corps se met à trembler,

Je deviens plus verte que l’herbe,

et presque rien ne manque encore

Pour me sentir comme une morte.

 

Traduit du grec ancien par Robert Brasillach

In, « Anthologie de la poésie grecque »

Editions Stock, 1950

 

Il me semble être l’égal des dieux

l’homme qui, assis en face de toi,

écoute, de si près,

la douceur de ta voix

et ce rire qui m’enchante

et fait bondir mon cœur dans ma poitrine ;

dès que je t’aperçois

je ne peux plus prononcer une parole,

ma langue reste immobile,

et sous ma peau soudain circule

un feu subtil ;

mes yeux ne voient plus ;

mes oreilles bourdonnent ;

je me mets à transpirer ;

un frisson fait trembler tout mon corps

et je deviens plus verte que l’herbe

et peu s’en faut que je ne meure....

 

Traduit du grec par Patrice Baron

In, « Le tour du monde en 80 poèmes. Présenté par Yvon Le Men »

Editions Flammarion, 2009

 

Le désir

 

Il m’éblouit, il goûte le bonheur des dieux cet homme qui devant toi prend

     place et près de toi écoute, captivé, la douceur de ta voix.

 

Ah ! ce désir d’aimer qui passe dans ton rire. Et c’est bien pour cela qu’un

     spasme étreint mon cœur dans ma poitrine. Car si je te regarde, même un

     instant, je ne puis plus parler.

 

Mais d’abord ma langue est brisée, un feu subtil soudain a couru en frisson

     sous ma peau, mes yeux ne me laissent plus voir, un sifflement tournoie

     dans mes oreilles.

 

Une sueur glacée couvre mon corps, et je tremble, tout entière possédée, et je

     suis plus verte que l’herbe. Me voici presque morte, je crois.

 

Mais il faut tout risquer...puisque...

 

 

Traduit du grec par Yves Battistini

In, Sapphô : « Odes et fragments »

Editions Gallimard (Poésie), 2005

 

... Il est pareil aux dieux, l’homme qui te regarde,

Sans craindre ton sourire, et tes yeux, et ta voix,

Moi, je tremble et je sue, et ma face est hagarde

          Et mon cœur aux abois...

La chaleur et le froid tour à tour m’envahissent ;

Je ne résiste pas au délire trop fort ;

Et ma gorge s’étrangle et mes genoux fléchissent,

          Et je connais la mort.

.......................................................................

 

Traduit du grec par Marguerite Yourcenar,

In, Marguerite Yourcenar : « La couronne et la lyre »

Editions Gallimard, 1979

 

Voir aussi :

 « Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs ! » (22/02/2017)

Aphrodite / εἰς Ἀφροδίτην (30/03/2017)

Nocturnes (14/05/2019)

 « Et je ne reverrai jamais... » (13/05/20)

« ... Rien n’est plus beau... » (13/05/2021) 

Je serai toujours vierge (27/06/21)

« Je ne change point... » 19/05/2022)

Ode à Aphrodite (17/05/2023)

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