Josée Lapeyrère (1944 – 2007) : Moments donnés ou Physiologie des Muses
Moments donnés ou Physiologie des Muses
(1969 -1970)
(alanguie il n’est de proie que l’ombre
s’effaçant nos images dans l’infinité des miroirs
de rares fois la transparence nous habille à nos
couleurs
nous nous voyons entre deux bleus hivers )
à Juan-Pablo Iommi
fou
mon amour voyant
se creuse
un golfe et plein de glaïeuls
quand s’approche
sans rien d’autre
escarboucle aimée brassée
le pain la cendre à ses côtés
toi racines le soleil
use à la lune
folle
LA RESPIRATION DE TERPSICHORE
l’âme de Poséidon couverte d’algues pourpres et de fibreux métal joue avec
les lisières – les bleus divers d’air et de mer – en coups étonnants
mystère la voix si ce n’est qu’elle vient du dedans nourrie de l’allé
sur les pistes rougies drainant cœur côtes parois trouant l’écorce
trame de rébellion les énigmes s’étalent
contre- courant élan d’un syllabaire neuf
à B.B. King
LE DOS DE MELPOMENE
blanches noces photographiques
cravates plis cérémonie bouclée
les main affirment un paradis enclos
sourire figée dans les ruines
les éboulis d’un siècle en frise
crème et dentelle contre
la pierre tombale
oracle pour un temps dissous
L’HALEINE D’EUTHERPE ET D’ERATO
I
(à l’entrée de l’hiver la douce tyrannie
le crime a la couleur des chrysanthèmes)
le temps s’éclipse
dans le soir le souvenir
est latéral
le froid ouvre
une fenêtre la neige
émerge
le poids doux les plumes
de la mémoire à l’impact
curviligne nuit oui
un signe un chrysanthème
ô nimbe de l’assaut
le miroir change
moi je perdus avec
regarde
les yeux fermés
passer les saisons lumineuses
II
corps et le reste à
la traîne lent
qui meurt quand
là sur les seins
le matin dans les nuits
que le cri – sillage
est retrouvé tout
est là – parti
mon amour a
ses étages ses entrailles
un ciel qui vole
silex du pyromane
à la butte défaite
manne des nues
la baptistère a
ses lys sa folie sa lie
dans ses lits
III
la rive à la dérive le fleuve plus la mer
tendresse de la peau
le bras
le grain
le sablier bleu
fumée humide
le ciel glisse
avant de tomber
à genoux
à ses yeux embués
ce qui est arrivé
la rive d’un instant à
la dérive
tunique divine le bras est nu
à la paupière s’agite tendre
battement l’œil s’aile à
DE CLIO LES AILES
auréole du
vol la vase du
sommeil oscille
l’œil en modulation
du voisinage exploraison
soudain partout plantes
et danse
HELIOTHERAPIE
orange nébuleuse le bleu du ciel
crachat perlé pavot la rime du soleil
ciel s’anime se mime plie l’abîme
orangé l’œil de fête
prunelle aurifère
rebelle comme la marée
vacille
l’oracle t’appartient
déchaîne le spectacle impitoyable
Là est ici
In, « Cahiers de poésie, 2 »
Editions Gallimard, 1976
Voir aussi :
L’autre – Entre là et ici (11/10/2021)
Exercices en vol - De là à ici (11/10/2023)
La quinze chevaux (1 et 2) (07/10/2024)