Montserrat Álvarez (1969) : Argos
Argos, chien d’Ulysse, ouvre tes yeux aveugles,
l’homme ne mérite ni ton amour ni ta pitié,
l’homme se regarde à minuit dans le miroir
et son visage épouvantable se brise en éclats de rire
L’homme est une créature que Satan a forgée
en pétrissant des monceaux de matières monstrueuses
et quand il trouve devant lui son propre visage infame
il montre du doigt un supposé démon
Argos, chien d’Ulysse, ne trompe plus ta noble
cécité qui ne comprend plus le Bien, piège du Mal,
ni non plus ce dernier, et qui n’a pas connu
l’indignation vertueuse de celui qui condamne et hait
Dieu t’as mis au monde pour être son Testament
Tu illumines la nuit de l’âme des hommes
En toi la vie veut vivre sans tâche sur la conscience
et dans tes entrailles il n’y a pas le signe de la Mort
Quand c’est la fin, le grand Être qui t’a fait
surgit de sa profondeur à sa surface
pour que tu coures un peu et t’ébattes parfois,
tu l’incorpores docile et en paix et sans rancoeurs
A votre naissance vous êtes plusieurs, tes frères et toi,
comme s’il s’agissait de la pâte archaïque des choses
Des morceaux jumeaux et différents se dispersent
dans le brio et la joie des choses cosmiques,
tel une partie d’étoiles, et dans l’intervalle
d’une journée claire où il n’y a pas de péché,
vous bondissez sur la terre, l’emplissant de force.
(Dark zone et autres poèmes)
Traduit de l’espagnol
Revue « Conséquence #3 », 2019
Voir aussi :
Icare (11/03/2020)
Elle voit plus loin (11/03/2021)
Cette joyeuse nuit de l’Apocalypse (11/03/2023)