Déwé Gorodey (1949 - 2022) : Nuits blanches
Nuits blanches
à la mémoire de mon grand-père
et au souvenir de ma mère
Nuits pures
Filles si libres
Brillants réverbères
de l’ivresse sans mal
Pâle
subite lumière
dans les nuits pures
Les grains de sable en bas du tertre ancestral où s’écoulent et demeurent
parfois
les eaux de la bouche de rivière des requins lézards
les grains de sable n’entendent plus les cris des pleureuses endeuillées quand
meurt le chef
et le caméléon des bambous
dès lors ne gémit plus et a disparu
Elle s’en est allée à jamais la femme qui crée
la vie et le sang du clan se sont éteints
La femme source de vie suivit l’idole dans les tortueux dédales de la ville
fut chouette et roussettes nocturnes chantant et chuintant
l’espérance de la divinité si enviée à l’idole plus puissante
que les totems de tous les clans
Lumière de ce dieu qui te fascina
alors que tu cherchais ta sœur qu’il a déjà
Tu désirais être à ce lumineux soleil
Elle ne se soucie plus des caresses passées des souffles du récif coralien
Elle n’offrira plus son visage aux vagues des marées
qui submergeaient une enfance salée d’illusions criardes et d’étoiles nacrées
Toutes les nuits ma sœur ne dort plus
Il est mort le temps du feu dans la case
du profond sommeil qui nous unit aux totems
Et depuis ma sœur ne connaît que des nuits blanches
Songes fous
lèvres sans mots
tu revois l’idole
le sommeil te fuit
Rêve
Intense instant
dans les songes fous
(Montpellier, 27 Février 1972)
Revue « Poésie 1, N° 116, Mars-Avril 1984 »
Le Cherche-Midi éditeur, 1984
Voir aussi :
Fille perdue (25/10/2017)
Et les prospectus (25/10/2018)
Nuits nues (25/10/2019)
Nuits taboues (22/10/2021)