Yu Xiuhua / 余秀华 (1976 -) : Je t’aime
Je t’aime
chaque jour se cramponner puiser l’eau, faire à manger, prendre en leur temps
les remèdes
s’exposer à la lumière quand brille le soleil
sécher une peau d’orange
boire en alternant les feuilles à infuser
chrysanthème, jasmin, rose, citron
leur beauté semble conduire vers le printemps
c’est pourquoi je tasse encore et encore
la neige dans mon cœur
parce qu’elle est trop pure, trop proche du renouveau
dans la cour balayée, je lis ton poème
notre condition humaine
incertaine comme un moineau qui, furtif, vient de passer
tandis que brille la lumière
je ne suis pas douée pour les grands chagrins
si je t’envoyais un livre, ce ne serait pas un recueil de poèmes
mais des pages qui te parleraient des plantes, des céréales
pour te révéler la différence entre le grain et l’ivraie
te montrer du printemps
l’ardente frayeur dans l’ivraie
Traduit du chinois par Brigitte Guilbaud
In, Yu Xiuhua : « La femme sur le toit »
Editions Picquier, Mas de Ver, 13631, Arles
Voir aussi :
Deux voix dans la nuit (08/01/2024)