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Femmes en Poésie
24 janvier 2024

Pavie Zygas (1949 -) : Le vide continue de creuser

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Le vide continue de creuser

 

1

Ce qu’on apprend

la complexité les ruses la lumière

l’impartageable pourtant si banal

on reste là

valeur d’échange réduite au néant

à la fin

les lieux communs affirment de plus en plus

la vérité première

qu’on avait combattue, moquée

 

on lit les autres

on reste chez soi

attendre l’écho

espèce de chacal qui attend le malheur pour approcher

on suit le cours

toucher l’écorce entourer l’arbre

de ses bras

pleurer quand l’or dévale sur la vitre

quand la fleur appelée

visage du matin

dans toute sa gloire

arrange sa corolle

on se presse

contre la Beauté

 

on compte les brins d’herbe le vent d’amour qui flue

on regarde le miracle

on s’organise en chat

on s’organise en fleur en cœur en chevelure

en pierre dressée

en eau qui dévale la pente

en dragon des marais

les ailes déployées dans la pleine présence

 

de la forme au vide à la forme au vide à la forme

on s’en va, carriole sur la route

 

au fond de la tristesse brûle une pierre brute

 

2

Ne pas arriver au point

tout concorde

 

rose impudique de l’occident

feuille grise du lotus sur la mare d’automne

 

on écoute au-dedans quelque signe dressé

le sel le sable poussière dans les mains

ceux

qui ne parlent pas – la pierre

écrase le lézard

il ne crie pas – la fureur la guerre

la plante côté nord tendue

vers la lumière

 

3

Shiki

 

Depuis le lit on voit

la lumière tremblante

les changements de la lumière

 

on vit

le temps est un carambar on regarde tout

aucun oiseau

                   n’échappe aucune goutte

de pluie

je pense à vous

dans la chambre jusqu’à la fin

 

4

ô Ishta

tu es la lumière

sur le seuil

tranquille

tu es

l’écorce amère tu es la fleur

tombée à terre

petite

pâle

qui point le coeur au printemps

tu fais mal

et ce mal quand j’y pense

est mon bien

à l’aphélie du grand silence

 

5

Paroles de l’hippopotame qui marchait

léger sur les fonds marins

et broutait la fleur noire de ma tête

 

on n’est rien

on descend un degré

on n’est rien

on descend un degré

on n’est vraiment rien

 

dans une crise d’optimisme débridé

il ente en écho les paroles des autres

inénarrable hippopotame

il a écouté Dylan pour la première fois en 72

connu Dickinson à 47 ans

Artwood en 2006 et ça

lui a donné un bon coup de poing

 

6

Quand j’étais petite un démon à la griffe facile

je grandissais dans le secret espoir

de rester calme

tranquille avec moi-même

 

au milieu des choses

aujourd’hui

le crépuscule

tombe

j’écris

avec parcimonie

ni néotruc ni postmachin

j’use des mots j’use

jusqu’à la corde

jusqu’àu ridicule

je leur demande

 

où est-ce

le pays de la paix

douce comme la chair orange du melon

 

7

Maintenant loin de la côte plus d’oiseaux mais

derrière nous

la trace immense la route d’eau

sans horizon

court derrière la Terre court seule

au-delà de la perte

et moi innocente sur le pont

je marche sur le poids et la profondeur de l’amour

qui tremble sous mes pieds

 

8

Présent

doux et profond

tu soulèves la barrière

 

les gouttes les feuilles brillantes

dans le soleil oblique

ce chant menu de l’eau

ces herbes qu’elle entraîne

cette beauté

c’est toi

 

beauté irradiante

sans avenir

ascèse aussi longue

que des secondes

 

9 (*)

Identifier est un mot fade

je voulais tout verser de toi dans moi

 

il faut partir mon âme il va pleuvoir

je n’ai pas pris de parapluie

le parfum des lys arrive comme

une respiration

souvenir de ton éclat

je pose sur la tombe une carte postale

c’est un tableau et là-dessus un bonbon arlequin tout

ce que je possède

les fleurs séchées je les ai oubliées à l’hôtel

le vide continue

de creuser il gagne du terrain

à grandes pelletées

- chez nous on ne brûle pas les corps

on les enterre

la terre fait un bruit mat quand elle tombe

 

l’esprit toujours s’efforce de combattre

il trouve des mots

 

identifier est un mot fade

je dirai plutôt de toi : Beauté

inextricable de ma vie

 

(*) On retrouve cet extrait, avec quelques modifications, dans le recueil « Berceau de branches vide », Editions fissile, 2007

 

Revue « Voix d’encre, N°37 »

26200 Montélimar,2007

 

Voir aussi :

La petite fille et la mort (27/01/2021)

Parler tout seule (24/01/2022)

Berceau de branches vide (24/01/2023)

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