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Femmes en Poésie
13 février 2023

Carol Ann Duffy (1955 -) : Nu féminin posant debout / Standing Female Nude

7e39393c99a2c3b9f3235629c4b6894ab2a8c35d[1]Murdo Macleod for the Guardian

 

Nu féminin posant debout

 

Six heures comme çà pour quelques francs.

Ventre tétons cul dans la lumière de la fenêtre,

il tire de moi la couleur. Un peu plus à droite,

Madame. Et puis essayer de ne pas bouger.

Je serai représentée analytiquement et accrochée

dans les grands musées. Les bourgeois roucouleront

devant cette image  d’une putain des bords de l’eau. On appelle cela de l’Art.

 

Peut-être. Il se préoccupe des volumes, de l’espace.

Moi, du prochain repas. Vous devenez maigre,

Madame, ce n’est pas bon. Mes seins tombent

un peu bas, l’atelier est froid. Dans le marc de café

Je vois la reine d’Angleterre qui contemple

mes formes. Splendides, murmure-t-elle,

en poursuivant son chemin. Cela me fait rire. Son nom

 

est Georges.. On me dit que c’est un génie.

Il y a des moments où il ne se concentre pas

et se raidit pour capter ma chaleur.

Il me possède sur la toile quand il trempe son pinceau

plusieurs fois dans les couleurs. Petit homme,

tu n’as pas l’argent qu’il faut pour les arts que je vends.

Pauvres tous deux, nous gagnons notre vie comme nous pouvons.

 

Je lui demande Pourquoi faites-vous ceci ? Parce que

j’y suis obligé. Je n’ai pas le choix. Ne parlez pas.

Mon sourire le trouble. Ces artistes

se prennent trop au sérieux. La nuit je me gorge

de vin et je danse dans les bars. Quand le tableau est fini

il me le montre avec fierté, allume un cigarette. Je dis

Douze francs et prend mon châle. Ca ne me ressemble pas.

 

Traduit de l’anglais par Bernard Brugière

In, « Anthologie bilingue de la poésie anglaise »

Editions Gallimard (La Pléiade), 2005

 

Standing Female Nude



Six hours like this for a few francs.

Belly nipple arse in the window light,

he drains the color from me. Further to the right,

Madame. And do try to be still.

I shall be represented analytically and hung

in great museums. The bourgeoisie will coo

at such an image of a river-whore. They call it Art.



Maybe. He is concerned with volume, space.

I with the next meal. You're getting thin,

Madame, this is not good. My breasts hang

slightly low, the studio is cold. In the tea-leaves

I can see the Queen of England gazing

on my shape. Magnificent, she murmurs,

moving on. It makes me laugh. His name



is Georges. They tell me he's a genius.

There are times he does not concentrate

and stiffens for my warmth.

He possesses me on canvas as he dips the brush

repeatedly into the paint. Little man,

you've not the money for the arts I sell.

Both poor, we make our living how we can.

 


I ask him Why do you do this? Because

I have to. There's no choice. Don't talk.

My smile confuses him. These artists

take themselves too seriously. At night I fill myself

with wine and dance around the bars. When it's finished

he shows me proudly, lights a cigarette. I say

Twelve francs and get my shawl. It does not look like me.

 

Standing Female Nude

Anvil Press Poetry, London, 1985

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