Carol Ann Duffy (1955 -) : Nu féminin posant debout / Standing Female Nude
Murdo Macleod for the Guardian
Nu féminin posant debout
Six heures comme çà pour quelques francs.
Ventre tétons cul dans la lumière de la fenêtre,
il tire de moi la couleur. Un peu plus à droite,
Madame. Et puis essayer de ne pas bouger.
Je serai représentée analytiquement et accrochée
dans les grands musées. Les bourgeois roucouleront
devant cette image d’une putain des bords de l’eau. On appelle cela de l’Art.
Peut-être. Il se préoccupe des volumes, de l’espace.
Moi, du prochain repas. Vous devenez maigre,
Madame, ce n’est pas bon. Mes seins tombent
un peu bas, l’atelier est froid. Dans le marc de café
Je vois la reine d’Angleterre qui contemple
mes formes. Splendides, murmure-t-elle,
en poursuivant son chemin. Cela me fait rire. Son nom
est Georges.. On me dit que c’est un génie.
Il y a des moments où il ne se concentre pas
et se raidit pour capter ma chaleur.
Il me possède sur la toile quand il trempe son pinceau
plusieurs fois dans les couleurs. Petit homme,
tu n’as pas l’argent qu’il faut pour les arts que je vends.
Pauvres tous deux, nous gagnons notre vie comme nous pouvons.
Je lui demande Pourquoi faites-vous ceci ? Parce que
j’y suis obligé. Je n’ai pas le choix. Ne parlez pas.
Mon sourire le trouble. Ces artistes
se prennent trop au sérieux. La nuit je me gorge
de vin et je danse dans les bars. Quand le tableau est fini
il me le montre avec fierté, allume un cigarette. Je dis
Douze francs et prend mon châle. Ca ne me ressemble pas.
Traduit de l’anglais par Bernard Brugière
In, « Anthologie bilingue de la poésie anglaise »
Editions Gallimard (La Pléiade), 2005
Standing Female Nude
Six hours like this for a few francs.
Belly nipple arse in the window light,
he drains the color from me. Further to the right,
Madame. And do try to be still.
I shall be represented analytically and hung
in great museums. The bourgeoisie will coo
at such an image of a river-whore. They call it Art.
Maybe. He is concerned with volume, space.
I with the next meal. You're getting thin,
Madame, this is not good. My breasts hang
slightly low, the studio is cold. In the tea-leaves
I can see the Queen of England gazing
on my shape. Magnificent, she murmurs,
moving on. It makes me laugh. His name
is Georges. They tell me he's a genius.
There are times he does not concentrate
and stiffens for my warmth.
He possesses me on canvas as he dips the brush
repeatedly into the paint. Little man,
you've not the money for the arts I sell.
Both poor, we make our living how we can.
I ask him Why do you do this? Because
I have to. There's no choice. Don't talk.
My smile confuses him. These artists
take themselves too seriously. At night I fill myself
with wine and dance around the bars. When it's finished
he shows me proudly, lights a cigarette. I say
Twelve francs and get my shawl. It does not look like me.
Standing Female Nude
Anvil Press Poetry, London, 1985