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Femmes en Poésie
29 juillet 2021

Mérédith Le Dez (1973 -) : Ombre penchée

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Ombre penchée

 

I

Entre dans la nuit des chambres mauves

à pas de louve l’ombre penchée

 

son écharpe froide

en écharpe glissée

au cou des gisants

bat le rappel

 

penche à pas de louve entrée

l’ombre blanche

des nuits mauves

 

sa main

flottée en bandeau de rien

au front intranquille

signe encore

 

Ouvre une bouche lente

à mots de louve

la mauve entrée

 

sa voix

rêvée en somme

au cœur étranglé

pince la corde

 

- Dans la nuit blanche des sombres passes

mauve à pas de louve entrée aux chambres

que veux-tu ?

 

II

Au chevet des vivants

l’ombre qui vient et part

comme elle veut

avec sa cape têtue qui frôle

 

En suspens rien qu’un souffle

 

Quelle main de neige imprime

sur la joue sa fleur maligne

qui va courant à demi-nue

semer la question

 

- Que veux-tu

ombre penchée

que viens-tu boire

aux yeux des endormis ?

 

III

L’ombre a ramené dans sa cape

le grand panier de nuit

doublé de blanc songe

et penchée aux anses des lits

compte les yeux clos

 

Quelle araignée jaillies des pupilles

quelles ramures aux tempes fêlées

de quel frisson de cape l’échine parcourue

devant l’horizon du mur

 

L’ombre est venue aux mille mains

aux pas de corde

coite dans la ruelle

le souffle de sa bouche comme vent de sable

ou geste de mer

 

- Que viens-tu faire aux inquiets ?

 

IV

Une fois

louve encore

avec la nuit pour manteau

confondue au mur

du même silence que le lit clos

elle fend de sa silhouette oblique

les songes

 

Ta présence

figure de proue échouée

aux blanches grèves

du dormeur

 

Ta présence

veilleuse aux maigres épaules

aux mains de plomb

sur la bouche

 

Ta présence

statue multiple

aux yeux brillants d’oiseau de proie

lapant d’autres yeux pour quel régal

 

Et parfois

venue du couloir comme du fond des âges

avec ce pas léger qui rend confiant

elle approche son visage de nourrice

 

Ton visage d’ombre

rencontre implacable

troué de vide

si près penché

 

V

D’autres nuits

encore

l’ombre surgie du vent

comme un nuage de sable

crisse au silence

 

Voici échevelée

qu’elle a suspendu

de son ventre multiple

la guirlande indistincte

aux murs alentour

 

Mille yeux

qu’on aurait reconnus

et qui dardent

une fièvre de jais

 

Mille mains

qu’on aurait tenues

et qui paumes à la renverse

ne donnent prises

 

Et absentes

au grand visage mauve

bouches comme des cratères

à la buée d’énigme

 

VI

Pour qui de nuit vaque au secret d’un rêve

elle ouvre les chambres

des convalescents murés

soudain tirés

de leur suaire

 

Elle prend un soir le visage

d’une

qui fut pâle gisante

à l’œil mal clos

aux lèvres entrouvertes

 

Elle glisse un soir dans le songe

la forme d’un dos

familier

qu’on avait oublié

dans une allée de terre

 

Elle demande qu’on l’approche

elle fait signe de venir

mais voilà qu’elle s’éclipse au bord du talus

avec ses yeux de jais

et ses paumes verticales

 

- Que veux-tu patiente au jardin

que viens-tu cueillir

ou refuser ?

 

VII

Ombre penchée

aux intranquilles au corps lié

de quelle parole es-tu le signe

que dis-tu bouche noire

 

L’ovale de ton ventre ouvre quelle surprise à l’étreinte

 

La sollicitude a guidé ton pas de soie

à moins que tu ne viennes louve

aux liens de revanche

rôder aux nuits blanches

avec un goût de mort

 

Quatre chevaux de hasard

Editions Folle Avoine, Bédée (35137), 2015

Voir aussi :

Pièces pour un piano (30/07/2017)

« Il y a la guerre ... » (29/07/2018)

Souviens-moi (30/07/2019)

« Je veux un champ d’étoiles... » (29/07/2020)

Jardin d’hiver (27/07/2022)

« Maintenant qu’il est disparu... » (25/07/2024)

 

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