Christine de Pisan (1361 – 1430 ?) : « Seulette suis… »
Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis, sans compagnon ni maître,
Seulette suis, dolente et courroucée,
Seulette suis, en langueur mesaisée (*), (*) mal à l’aise
Seulette suis, plus que nulle égarée,
Seulette suis, sans ami demeurée.
Seulette suis à huis ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet muciée (*),, (*) cachée
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien n’est qui tant messiée (*), (*) me déplaît
Seulette suis, en ma chambre enserrée,
Seulette suis, sans ami demeurée.
Seulette suis partout et en tout estre (*), (*) endroit
Seulette suis, que je marche ou je siée (*), (*) ou que je sois assise
Seulette suis, plus qu'autre rien terrestre (*), (*) plus qu’autre chose au monde
Seulette suis, de chacun délaissée,
Seulette suis, durement abaissée,
Seulette suis, souvent toute éplorée,
Seulette suis, sans ami demeurée.
Envoi
Princes, or est ma douleur commencée
Seulette suis, de tout deuil menacée,
Seulette suis, plus teinte que morée (*), (*) plus sombre qu’une tenture noire
Seulette suis, sans ami demeurée.
Voir aussi :
La fille qui n’a point d’ami (16/03/2017)
Je ne sais comment je dure (04/01/2018)
« Apprenez-moi, doux ami... » (18/04/2019)
« Je ne peux plus vous cacher... » / « Plus ne vous puis celer ... » (09/11/2023)
« Me refuser suffit... » / « A vous est du reffuser... » (11/11/2024).