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Femmes en Poésie
9 novembre 2023

Christine de Pisan (1361 – 1430 ?) : « Je ne peux plus vous cacher... » / « Plus ne vous puis celer ... »

1200x680_christine-de-pizan-calque-1000-x-563[1]Christine de Pizan ou de Pisan © Getty

 

1 L’amant

 

Je ne peux plus vous cacher le grand amour

Dont je vous aime, belle, plus que toute autre,

Que je porte depuis longtemps

Sans faire cri ou plainte ; mais je vois arriver le jour

Où ma vigueur s’éteint

À trop aimer qui m’assaille et me tue

Si n’ai de vous réconfort sans tarder.

 

 

Je suis contraint de vous l’avouer en grande crainte

Afin que guérison me soit donnée

Par vous, car sang, vie, sève

Me font défaut et quoi que j’aie supporté

Mainte année, ma mort est écrite

Sans autre issue, il est l’heure,

Si n’ai de vous réconfort sans tarder.

 

 

Je vous requiers donc, très belle en qui demeure

Entièrement mon cœur, que merci

Me soit donnée. Que l’attente n’en soit éloignée

Car je ne peux plus, ni soir, ni matinée,

Supporter ce mal. Que sur-le-champ cesse

La grande dureté qui me contraindra à pleurer,

Si n’ai de vous réconfort sans tarder.

 

 

Ah ! Très agréable, parfaite en bonté,

Que votre doux amour soit vers moi tourné

Car mon cœur est déjà plus noir qu’une mûre

Si n’ai de vous réconfort sans tarder.

 

 

Traduit de l’ancien français par Jacqueline Cerquiglini-Toulet

In, Christine de Pizan : « Cent ballades d’amant et de dame »

Editions Gallimard (Poésie), 2019

 

L’amant  I

 

Plus ne vous puis celer la grant amour

Dont je vous aim, belle, plus qu’autre nee,

Qu’ay longuement portee, sans clamour

Faire, ne plaint, mais or voy la journee

Que ma vigour est du tout affinee

Par trop amer qui m’occit et cueurt seure,

Se de vous n’ay reconfort sans demeure.

 

 

Et contraint suis, tout soit ce en grant cremour,

Du dire, afin que garison donnee

Me soit par vous, car sanc, vie et humour

Me deffaillent, et quoy que mainte annee

Aye souffert, adés est destinee

Sans reschaper ma mort, il en est l’eure,

Se de vous n’ay reconfort sans demeure.

 

 

Si vous requier, tres belle, en qui demour

Entierement mon cuer fait, que ordenee

Me soit mercy, lonc n’en soit le demour,

Car plus ne puis, ne soir ne matinee,

Ce mal porter ; si soit adés finee

La grant durté dont fauldra qu’en dueil pleure,

Se de vous n’ay reconfort sans demeure.

 

 

Ha ! Tres plaisant, en bonté affinee,

Vo doulce amour soit a moy assenee,

Car mon cuer est ja noircy plus que meure,

Se de vous n’ay reconfort sans demeure.

 

Voir aussi :

La fille qui n’a point d’ami (13/03/2017)

« Seulette suis… » (20/04/2017)

Je ne sais comment je dure (04/01/2018)

« Apprenez-moi, doux ami... » (18/04/2019)

« Me refuser suffit... » / « A vous est du reffuser... » (11/11/2024)

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