Claude Morenas (? – 2009) : Petit jour blanc
Petit jour blanc
Petit jour blanc lumière tamisée grise comme un
éclairage de pluie le souffle régulier de François
fenêtre ouverte sur le vallon toutes les voix d’oi-
seaux éveillés parlent ensemble à qui mieux
mieux dans une cacophonie de pépiements.
Les coqs chantent le jour à l’Escudelette mais
les chiens familiers confidents de la vie quotidienne
hurlent à la mort de la vieille dame petite recroque-
villée dans son lit blanc trop grand pour elle dont
elle n’occupait déjà plus que la moitié de son vivant
La vieille mère de Fernand n’entend plus le
vacarme des oiseaux en pleine activité de nids et de
couvées ni le coq prometteur de lumière
elle ne fait plus taire les chiens
visite silencieuse où l’on entend terriblement le
silence des pendules le tic-tac du réveil l’esca-
lier à pas feutrés la défunte à l’étage réduite
à la peau parcheminée si blême sur un maigre
squelette lèvres scellées serrées les voisines
sur les chaises fronts lourds et les larmes aux
yeux de la famille
paroxysme de toutes les voix d’oiseaux chanteurs
à plein cœur sans scrupule eux n’ont pas
rôle de partager ils sont continuité avenir en-
fance de la vie en marche ils sont voix d’enfants
innocents et joyeux jeunesse sève d’eux seuls
on supporte cette exubérance comme promesse
d’éternité de la vie
Livre d’heures pour un quotidien positif, aride ou exaltant,
mais jamais banal,
Edition Regain en Lubéron, 1979