Françoise Morvan (1958 -) : Effraie / Roseaux
Effraie
Par temps de brume à la tombée du soir
L’on voit s’avancer vers le bord de la tourbière
Une femme aux lèvres violettes
Dont les mains tremblent dans le vent
Forme perdue qui flotte et s’effiloche
Chanson d’appel arrachée aux fougères
La brume étouffe la voix douce et faible
Chuintante à la façon d’un chant d’effraie.
Roseaux
Tissées sous l’espace endormi
Les tisserandes aux mèches grises
Mêlées de laine et de perce-neige
Ourdissant le fil des filles de mémoire
Murmurent à voix blanche dans la brume
Passe à pas muets près des ourdisseuses
Le souffle doux sans se laisser happer
Par la rumeur ouatée de leurs voix sourdes
Tissant et détissant la mémoire des ombres
Pour ressasser leurs prophéties obtuses
Et si tu sens leur lourdeur blanche
Tomber sur toi comme une houppelande
Pense à la femme oiseau sachant sans bruit
Se défaire un instant de son plumage
Et fuir l’âme légère avec l’oiseau de pluie.
Brumaire
Editions Mesures, 2019
Voir aussi :
Retour / Allège (08/06/2021)
Le bois des fables (10/06/2022)
Lucarne / Grèbe (10/06/2023)