Gilberte H. Dallas (1918 – 1960) : « La bannière de mon corps... »
C
La bannière de mon corps flotte au vent brandebourgeois.
Une vieille femme veut entrer dans ma chambre, je
la vois à travers la porte, sa main de feutre rouge
appuyant en vain sur le loquet ; des parcelles de
ses cris me parviennent comme la chanson
barbare d'un violon reprisant la nuit ;
Je vais lui glisser une rose sous la porte.
une rose de sang noir, peut-être partira-t-elle ?
Et je pourrai me vautrer dans le hamac de
mûrier mais sa voix hoquète : Ophélie
Je m'appelle Ophélie, ouvrez-moi, O-phé-lie…
— Que m'importent ses contorsions grotesques
Quel mensonge me porte-t-elle ? Pourquoi ne
me le tend-elle pas à travers ces feuilles de
sable comme elle me tend son nom… Ophélie,
Ophélie, son ombre ricoche dans l'aura de
mon crépuscule. Ophélie, sa voix grince comme
la crécelle des lépreux, phélie, phélie …
Alphabets de Soleils
Editions Seghers, 1952
Voir aussi :
« Des soleils noirs… » (19/04/2017)
« J’ai plongé mon avide soif… » (12/01/2018)
« Les ancolies d’ébène... » (12/01/2019)
A Vincent Van Gogh (12/01/2020)
« Je vois au creux des paumes... » (12/01/2022)