Jany Cotteron (1944-) : F/Aille
à Tal-coat
F
AILLE
Je suis celui qui marche
vers les sommets
à l’heure tremblée de midi
quand les chiens de soleil
dévorent la montagne
et que le regard se tait
entre les paupières épuisées de lumière
C’es l’heure où émergeant de la brume
d’étranges animaux
se couchent à l’horizon
têtes et corps emmêlés
frémissements de croupes et de dos
Leurs flancs gris portent les traces
de cicatrices anciennes
et leurs mufles sans âge
striées de fissures
de crevasses
racontent les ruptures primitives
de la terre et des rocs
Je suis celui qui marche
dans le temps arrêté
auprès de la montagne
où les troupeaux impassibles
boivent à même le ciel
la brûlure de l’été
Je suis celui qui passe
à travers la montagne
déchiffrant dans la roche
les signes originels
de blanc, de noir et d’ocre
C’est l’heure où le corps s’unit au rocher
où les doigts se lient à la pierre
Les pieds se posent en arabesques
s’élèvent en lignes lentes en courbes fugitives
Les mains lissent les rondeurs tièdes
effleurent les creux les pointes
et glissent dans les fissures humides et fraîches
Elles cherchent à tâtons le chemin des failles
qui montent vers les crêtes
Je celui qui passe
les abrupts, les ressauts
les dalles et les arêtes
A la croisée des failles
sur les traces de pierre
ivre du battement de mon cœur
dans le souffle du temps
Le chant des pierres et de l’eau
Editions Samizdat, 1218 Grand-Saconnex (Suisse)
Voir aussi :
N’importe où (14/08/2019)
Laisse-moi (19/09/2020)
Un jour (14/08/2021)
Là où creuse le vent (14/08/2022)
Ventre (14/08/2023)
Je t’attends (14/08/2024)