Jeanine Baudenine (1946 -) : Plaisirs d’O
Plaisirs d’O
Ne rien laisser qui ne s’écoule
sans sertir du doigt cette
pâle lueur d’entre les ombres
ce reflet rond cette goutte
de sueur sur les hanches.
Appelants, appelés et jusqu’aux lèvres porter
cette eau perles odorantes qui roulent
de points cardinaux en points cardinaux.
De la bouche et des yeux, le ciel se déformant
dépliant son essor Le cavalier
chevauchant courbes et fontaines
La nuit, la femme s’accouplant au cosmos
les jambes, les sexes noyés
Un parchemin de signes étirant son aveu
Calligraphie d’odeurs
dans l’espace ainsi recréé
de la chambre aux jardins de pluie et d’usure
dorés à l’or fin des paumes, des lèvres parcourant
leurs étais l’architecture d’une aube sur l’étang
noisetiers et corolles, lianes.
Langue sur langue écrire, aimer entre les mots
La parole serait geste
les feux de la rampe, un théâtre, une scène
la mort peut-être côté cour
quand la vie, le vivant inonde et
soif devient le soir désirant.
Absides, fronton, narthex
sous la voûte gothique, le tympan
les boisseaux, le retable
Bosch, l’orthodoxie sans la loi,
l’enfer si Dante sous le Ponte Vecchio
marche sur les eaux.
Les amants, oiseaux de feu, Diaghilev
le rire de Venise entre les tombes,
le long des canaux
Les corps parfaits sous la lune parfaite,
le lit, le lit – ville et reflet des fleuves –
habité.
Insulaires exfoliant leurs chairs
l’âme dans les rues, calli, campi,
campanile à l’église accolé
sur les champs d’une île dérisoire.
Faire l’amour entre les rives, l’horizon
sur la mer se colorant d’un vert mystère,
rayon qui poudroie et lave, désigne la route
à ne pas manquer
quand le carrefour des eaux ensoleille de sens
l’humide vapeur, le tremblé, le grain de la peau,
la noire ruelle d’un sexe.
Toi, moi, ce va et vient qui va sa musique
sous les arceaux du temps.
Revue « Bacchanales, N°40, Octobre 2006 »
Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 38400 Saint-Marin- d’Hères, 2006