Alicia Suskin Ostriker (1937 -) : Quatrième Rue Ouest / West Fourth Street
Quatrième Rue Ouest
À Jerry Stern
Les platanes perdent leurs feuilles
Quatrième Rue Ouest et l’âge me rend bizarre
Heureuse pourtant de les voir pâles et iridescents
Au sortir du métro dans la circulation
Les détritus et bouffées de patchouli ––maintenant que je sais lire
Entre les lignes du brouillon de ma vie
Le plaisir me rend souvent visite–– il y a moins d’interférences
Quand je regarde quelque chose aujourd’hui
Ce que je vois je le vois clairement
Avec moins de chagrin et de colère qu’auparavant
Et moins de désir : non pas que j’aie vaincu ces passions
Elles se sont estompées
Et si je souris d’admiration devant quatre Brésiliens
Qui jouent à la pelote sur un carré de béton ensoleillé
Et crient en portugais
Mains gantées de chevreau car la pelote cingle
Dos comme enracinés de muscles éclairs d’or autour du cou
Si je les regarde danser la samba avec leur ombre
Comme se contorsionnait mon père il y a cinquante ans
Lorsque les fils de Juifs immigrés
Jouaient des parties acharnées sur les terrains de Manhattan
––Si je me dis que ces hommes sont l’essence de la ville
C’est à cause de leur beauté
Puisque j’ai appris à m’enticher de la beauté.
Traduit de l’anglais par Jean Migrenne
In, Revue « Temporel, N°13, 29 Avril 2012
Revue en ligne publiée par l’Atelier GuyAnne, 77144 Chalifert
West Fourth Street
À Jerry Stern
The sycamores are leafing out
on West Fourth Street and I am weirdly old
yet their pale iridescence pleases me
as I emerge from the subway into traffic
and trash and patchouli gusts—now that I can read
between the lines of my tangled life
pleasure frequently visits me—I have less
interfering with my gaze now
what I see I see clearly
and with less grievance and anger than before
and less desire: not that I have conquered these passions
they have worn themselves out
and if I smile admiring four Brazilian men
playing handball on a sunny concrete court
shouting in Portuguese
goatskin protecting their hands from the sting of the flying ball
their backs like sinewy roots, gold flashing on their necks
if I watch them samba with their shadows
torqued like my father fifty years ago
when sons of immigrant Jews
played fierce handball in Manhattan playgrounds
—if I think these men are the essence of the city
it is because of their beauty
since I have learned to be a fool for beauty
The Little Space : Poems Selected and New, 1968–1998.
University of Pittsburgh Press, Pittsburgh (USA),1998
Voir aussi :
Huitième et treizième / The Eighth and Thirteenth (03/01/2021)
Au restaurant Révélation (03/01/2022)