Anna-Elisabeth de Noailles (1876 - 1933) : L’empreinte
L’Empreinte
Je m’appuierai si bien et si fort à la vie,
D’une si rude étreinte et d’un tel serrement,
Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s’échauffera de mon enlacement.
La mer, abondamment sur le monde étalée,
Gardera, dans la route errante de son eau,
Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.
Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir,
Et la cigale assise aux branches de l’épine
Fera vibrer le cri strident de mon désir.
Dans les champs printaniers la verdure nouvelle
Et le gazon touffu sur les bords des fossés
Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés.
La nature qui fut ma joie et mon domaine
Respirera dans l’air ma persistante odeur,
Et sur l’abattement de la tristesse humaine
Je laisserai la forme unique de mon cœur...
Le Cœur innombrable
Calmann- Lévy, Editeur, 1901
Voir aussi :
« T'aimer… » (15/04/2017)
Il fera longtemps clair ce soir (09/11/17)
- Offrande à la nature (09/11/18)
« Si je n'aimais que toi en toi... » (09/08/2021)
La vie profonde (12/11/2024)