Vian Juma (1963 -) : « Si j’étais un prophète...
Si j’étais un prophète et que j’aie rencontré Dieu
Je l’aurais supplié,
je me serais agenouillée à ses pieds
et aurais demandé
qu’il envoie ses soldats
pour sauver la terre
J’aurais pleuré et supplié,
Près de son autel avec un chagrin brûlant
comme une qui enlace une seule chaussure de son unique fils
J’aurais embrassé les bords du trône
sur lequel il serait assis
Et je l’aurais supplié en chantant
qu’il aie pitié d’un peuple
d’une nation qui a goûté au pire
et qui continue à souffrir et à déguster le venin de la mort
sous le fouet de l’injustice
Je lui dirais que
Le champ des orphelins est le plus vert des champs de blé
et que les larmes des endeuillés son plus nombreuses
que des fourmis de la terre
Et que les veuves sont plus nombreuses
que les arbres et que
Le deuil est devenu la couleur de l’Irak
Et que le sang est devenu la boisson officielle
de ce pauvre peuple
Si,
j’étais un prophète
j’aurais commandé à mes anges de
changer les balances de la vie
et de transformer
les hommes par fatwas en poètes
et les leaders
en compositeurs et en chanteurs
et les armes de destruction massive
en instruments de musique
Que les enfants des martyrs en jouent
J’aurais transformé
les champs de bataille
en champs pour papillons et écureuils
et les parcs
en rendez-vous amoureux pour que les amoureux s’y embrassent
j’aurais transformé
Daech en poupée de sucre
Et les avions de guerre
en rêves errants qui offrent
des souhaits rapides
J’aurais emprisonné,
Azraël au milieu d’une mer
sans fond
Et entassé tout son passé cruel
dans une bouteille scellée
puis l’aurais jeté
hors de l’univers.
Traduit de l’arabe par Maram al-Masri
In, « La Poésie des femmes kurdes »
Le Merle moqueur éditeur, 93500 Pantin, 2023