14 juillet 2022

Wisława Szymborska (1923 – 2012) : Le terroriste, il regarde / Terrorysta, on patrzy

  Le terroriste, il regarde   La bombe sautera dans le bar à treize heures vingt. Il n’est maintenant que treize heures seize. Certains auront le temps de sortir. Et d’autres d’entrer.   Le terroriste, lui, est déjà de l’autre côté de la rue. Cette distance le préserve du mal, et puis quelle vue ! Comme au cinéma.   La femme au blouson jaune, elle entre. L’homme en lunettes noires, il sort. Les gars en jeans, ils causent. Treize heures dix-sept et quatre secondes. Le plus petit, le veinard,... [Lire la suite]
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12 juillet 2021

Wisława Szymborska (1923 – 2012) : Prêt-à-vivre / Życie na poczekaniu.

  Prêt-à-vivre   Voilà du prêt-à-vivre. Pièce sans répétition. Corps sans essayage. Tête sans réflexion.   J’ignore le rôle qu’on me fait jouer. Je sais seulement qu’il ne peut être qu’à moi.   L’intrigue, je suis bien obligée de la démêler une fois sur scène.   Préparée à la diable pour cet honneur de vivre, j’ai du mal à soutenir le tempo de l’action. J’improvise, bien que l’improvisation m’écoeure. Je bute à chaque instant sur l’ignorance des choses. Mes manières fleurent sans doute la... [Lire la suite]
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12 juillet 2020

Wisława Szymborska (1923 - 2012) : La femme de Loth / Żona Lota

La femme de Loth   Je me suis retournée, parait-il, par curiosité. Mais je pouvais avoir d’autres raisons encore. Je me suis retournée par regret de ma coupe d’argent. Par mégarde, en renouant le lacet de ma sandale. Pour ne plus voir la nuque intègre de Loth mon époux. Certaine soudain que si je tombais morte, il ne prendrait même pas le temps de s’arrêter. Par l’insoumission des humbles. Pour guetter les clameurs de la poursuite. Frappée par le silence espérant que Dieu avait changé d’avis. Nos deux filles... [Lire la suite]
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12 juillet 2019

Wisława Szymborska (1923 – 2012) : Ca va sans titre / Może być bez tytułu

    Ca va sans titre   On en est arrivé là : je suis assise sous un arbre, au bord d’une rivière, un matin de soleil. C’est un évènement anodin que ne retiendra pas l’histoire. Ni une bataille, ni un pacte dont on sonde les motivations, ni le meurtre mémorable d’un tyran.   Et pourtant me voilà assise, c’est un fait. Et puisque je suis ici, près de la rivière, je serai bien venue ici de quelque part, sans dire qu’auparavant j’aurai séjourné dans pas mal d’autres endroits. Tout comme les... [Lire la suite]
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25 mars 2019

Alicia Bykowska-Salczynska (1953 -) : Au vent

    Au vent   La Bretagne est la région de France où il y a le plus de suicides ; c’est ce que disent les statistiques.   Il est vrai qu’il y en a plus que jamais. C’est à cause de ce vent qui souffle sans arrêt, comme tu l’écris, Chéri, dans le récit de ton premier voyage. Jean-Luc sourit, amer quand je lui lis ton article traduit. Ce n’est pas le spleen, dit-il. C’est la pauvre eau de vie, le dur labeur, et le sentiment d’être encore plus mal sur sa pauvre terre.   Alors, il leur... [Lire la suite]
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12 juillet 2018

Wisława Szymborska (1923 - 2012) : Impressions théâtrales / Wrażenia z teatru

  Impressions théâtrales   Pour moi, de toute la tragédie, rien ne vaut l’acte six. Les morts ressuscitant après la bataille, les perruques repeignées, les robes époussetées, les couteaux arrachés des cœurs, les nœuds coulants desserrés, les morts et les vivants en rangs bien ordonnés, face au public.   Saluts individuels et collectifs : main blanche sur le cœur qui saigne, la révérence de la suicidée, le hochement de la tête coupée.   Salut par deux : la fureur main dans la main avec... [Lire la suite]
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26 mars 2018

Alicia Bykowska-Salczynska (1953 -) : Nuage

  Nuage   Dis, toi, nuage sous le ciel de Bréhat, d’où viens-tu ? De ce côté-ci du silence, où j’entends son mugissement désarticulé, où j’effleure la terre assombrie par l’orage qui viens d’éclater ? Dis, nuage, te fallait-il parcourir mille milles, pour comprendre une fois de plus que l’amour nous a quittés, en même temps que la parole ? Mais au-dessus des rochers un grand oiseau crie, un ton plus haut que la corde vocale qui cède dans la gorge de Dieu.   Nuage, j’apprends à... [Lire la suite]
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14 juillet 2017

Wisława Szymborska (1923 /2012) : Psaume / Psalm

      Psaume   Ô, combien perméables sont les frontières humaines ! Voyez tous ces nuages qui passent, impunément, ces sables du désert filant d’un pays à l’autre, ces cailloux des montagnes pénétrant chez l’ennemi en d’insolents sursauts !   Est-il besoin de prendre un à un les oiseaux qui volent ou qui se posent sur la barrière baissée ? Ne serait-il qu’un moineau, et voilà que déjà sa queue est limitrophe, et son bec indigène. Et puis, qu’est-ce qu’il gigote !   Parmi... [Lire la suite]
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04 avril 2017

Wisława Szymborska (1923 – 2012)) : Monologue pour Cassandre / Monolog dla Kasandry

  Monologue pour Cassandre   C’est moi, Cassandre. Et voici ma cité recouverte de braises. Et voici mon bâton, mes rubans de prophète. Et voici ma tête pleine d’incertitudes.   C’est vrai, je triomphe. Le feu de ma raison lèche la voûte céleste. Seuls les prophètes que personne ne croît jouissent de tels spectacles ; seuls ceux qui s’y sont assez mal pris pour que tout s’accomplisse aussi rapidement comme s’ils n’avaient pas existé.   Je me souviens maintenant, très distinctement de ceux... [Lire la suite]
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26 février 2017

Wisława Szymborska (1923 -2012) : Haine / Nienawiść

      Haine   Voyez combien elle reste efficace, combien elle se porte bien en notre siècle, la haine. Avec quel naturel elle prend les plus hauts obstacles. Combien il lui est facile : sauter, saisir.   Elle n’est pas comme les autres sentiments. Leur aînée, et pourtant leur cadette. Elle sait engendrer toute seule ce qu’il lui faut pour vivre. Si elle dort, ce n’est pas d’un sommeil éternel. L’insomnie ne lui ôte pas ses forces, au contraire.   Peu lui chaut, religion ou pas, ... [Lire la suite]
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