01 mars 2017

Anne Perrier (1922 - 2017) : Prière

  Prière   Qu'on me laisse partir à présent Je pèserais si peu sur les eaux J'emporterais si peu de chose Quelques visages le ciel d'été Une rose ouverte   La rivière est si fraîche La plaie si brûlante Qu'on me laisse partir à l'heure incandescente Quand les bêtes furtives Gagnent l'ombre des granges Quand la quenouille Du jour se fait lente   Je m'étendrais doucement sur les eaux J'écouterais tomber au fond Ma tristesse comme une pierre Tandis que le vent dans les saules Suspendrait mon... [Lire la suite]
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28 février 2017

Anna Akhmatova / Анна Ахматова (1889 – 1966): Epilogue, I / Эпилог, I

    Epilogue, 1   J’ai vu comment les visages se défont, Comment on voit la terreur sous les paupières, Comment des pages d’écritures au poinçon Font ressortir sur les joues la douleur, Comment les boucles noires et cendrées Ressemblent soudain à du métal blanc. Le sourire s’éteint sur les lèvres dociles Et la peur tremble dans un petit rire sec. Si je prie, ce n’est pas pour moi seule, Mais pour tous ceux qui ont avec moi attendu, Dans le froid féroce, ou sous la canicule, Au pied du mur rouge, du mur... [Lire la suite]
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27 février 2017

Hélène Cadou (1922 - 2014 ) : "J'ai vu des paysages..."

    J’ai vu des paysages refermés sur leurs forêts Des nuits profondes comme des citernes Des arbres qui taisaient dans l’ombre leurs secrets Mais aujourd’hui les fenêtres du ciel S’ouvrent sur une province inconnue Où les blés montent plus haut que les étoiles Où les fontaines au coin des rues Fleurissent comme des lampes familières.  Je goûte un pain meilleur que le silence Et j’épelle les jours simplement pour le bonheur. Qui parle de retour ? Il faut saluer la vieille terre Et pour le grand... [Lire la suite]
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26 février 2017

Wisława Szymborska (1923 -2012) : Haine / Nienawiść

      Haine   Voyez combien elle reste efficace, combien elle se porte bien en notre siècle, la haine. Avec quel naturel elle prend les plus hauts obstacles. Combien il lui est facile : sauter, saisir.   Elle n’est pas comme les autres sentiments. Leur aînée, et pourtant leur cadette. Elle sait engendrer toute seule ce qu’il lui faut pour vivre. Si elle dort, ce n’est pas d’un sommeil éternel. L’insomnie ne lui ôte pas ses forces, au contraire.   Peu lui chaut, religion ou pas, ... [Lire la suite]
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25 février 2017

Alliette Audra (1897 – 1962) : N’envoyez plus de lettres

    N’envoyez plus de lettres, seulement des feuilles d’arbres, que le soleil détache ou le vent cueille ou l’automne abat et dépose entre vos mains. Je ne les recevrai jamais le lendemain, mais j’ai depuis toujours l’habitude d’attendre et mon cœur, de veiller, n’en sera pas moins tendre. Vous ne pourrez, c’est vrai, rien écrire dessus, cependant je lirai comme si j’avais su les paroles que vous formulez dans votre âme tant vos rêves ont pour moi l’éclat de la flamme. Choisissez les couleurs suivant le ton des... [Lire la suite]
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24 février 2017

Ananda Devi (1957 - ) : « Je te vois comme un hiver… »

  À ma mère    Je te vois comme un hiver, comme du givre ; transparente, brûlante,  transpercée de lumières; glacée, glaçante, cassable. Tout cela à la fois. Je te vois comme une source dont on ne soupçonne ni l'ampleur ni  la violence. Aujourd'hui, mes mains plongeant dans ton être, dans ta  matière, ont froid. Puis mes yeux retournent vers la fenêtre où, de  nouveau, la lumière a changé de couleur. Alors, au cœur même de ta  pâleur, je me souviens de tes ors.    Je te... [Lire la suite]
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23 février 2017

Marie Noël (1883 -1967) : Crépuscule

      Crépuscule   L’heure viendra… l’heure vient… elle est venue Où je serai l’étrangère en ma maison, Où j’aurai sous le front une ombre inconnue Qui cache ma raison aux autres raisons.   Ils diront que j’ai perdu ma lumière Parce que je vois ce que nul œil n’atteint : La lueur d’avant mon aube la première Et d’après mon soir le dernier qui s’éteint. Ils diront que j’ai perdu ma présence Parce qu’attentive aux présages épars Qui m’appellent de derrière ma naissance, J’entends s’ouvrir... [Lire la suite]
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22 février 2017

Saphô / Σαπφώ (vers 630 – vers 580 av.J.C.) : « Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs ! »

  Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs ! Pâle, je servis ta volupté cruelle… Je pris, aux lueurs du flambeau d’Hespérôs, Ton corps d’immortelle.   Et ma chair connut le soleil de ta chair… J’étreignis la flamme et l’ombre et la rosée, Ton gémissement mourait comme la mer Lascive et brisée.   Mortelle, je bus dans la coupe des Dieux, J’écartai l’azur ondoyant de tes voiles… Ma caresse fit agoniser tes yeux Sur ton lit d’étoiles…   Depuis, c’et en vain que la nuit de Lesbos M’appelle, et que... [Lire la suite]
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21 février 2017

Christiane Baroche (1935 - ) : Soleil

  Soleil Hommage à Jean Cocteau   Mes yeux sont morts. Mon bonheur de lumière s’est enfoncé dans l’eau, L’interrogation de la nuit me tire A l’envers des surfaces, Je n’ai plus de la vie que sa racine obscure Et plus ne m’illumine que ton innocence Dans la tanière du jour. Enfant médiatrice, chante-moi le soleil Dans mon âme assourdie comme un bois sans clairière, Redis-moi son désordre et sa crépitation, Je ne reconnais plus que sa guenille chaude, Mes yeux sont morts de transparences.   Chante-moi... [Lire la suite]
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20 février 2017

Gisèle Prassinos ( 1920 - 2015) : « On a bu ses bouquets… »

  On a bu ses bouquets…   On a bu ses bouquets et mangé ses cailloux de la saison vieillie il ne reste que l’ombre. Des feuilles de bonne volonté pour les pauvres des secours d’auteurs et parfois bleues, ces heures couchées sur l’orgueil de la mer.   Ce soir demain on parlera plus près des portes le jour et l’écho seront tôt fatigués. Réunis, l’ouvrage et la lampe la laine et le dos vont conspirer dans une brève stupeur entre la mémoire et l’espérance.   Pour l’arrière- saison,  Editions... [Lire la suite]
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