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Femmes en Poésie
24 janvier 2023

Pavie Zygas (1949 -) : Berceau de branches vide

CVT_Berceau-de-branches-vide_7258[1]

 

Berceau de branches vide

 

Rose impudique de l’occident

feuille grise du lotus sur la marée d’automne

 

ne pas écrire au point

tout concorde

 

la terre dans la main

on écoute au-dedans quelque signe dressé

ceux

qui ne parlent pas – la pierre

écrase le lézard

il ne crie pas – la fureur de la guerre

la plante côté nord

tendue

vers la lumière

 

 

 

Vivre ici

et maintenant

parmi nos bombes

à fragmentation

porter haut

le cliquetis des mots

de nos cent fleurs épanouies

pol pot aum bhopal clonage et guernica

tchernobyl charonne columbine hiroshima

wounded knee tian an men erika et kkk

mac carthy tigres tamouls vih et tchetchénie

hutus tutsis petit grégory berlusconi

aulnay-sous-bois piazza fontana bagdad et ben

barka treblinka sabra et chatila al kaïda

golfe persique pinochet perche du nil et kolyma

ah sentier lumineux sur la planète bleue

pauvre ghetto plein de gros sous de sdf

d’intox de moulinex et de textos tolérance zéro

 

 

 

Sous le grand tilleul, l’été, lisant des livres

 

toutes ces paroles données

vibrantes et fausses

joignant le flot des nôtres

tombées

 

ah les désirs du cœur sont les arêtes vives

où les chats souples de nos mots vont se blessant

 

 

 

En mémoire de Tao Yuan Ming

 

Les siècles passent une foison de mots passe barque légère

 

pareille à la source aux fleurs de pêchers

dans quel hier a-t-elle fui, cette lumière

et ces yeux cette langue

ces doigts – la pierre même sur la tombe

 

poussière

rendue à notre mère aux beaux seins

mais

aux dent longues

 

 

 

Velléités

pareilles à des parques

à des déesses

à des vellédas mais plus piquantes

 

fuir

dans l’ordre mystérieux des mots

jouer

incapable

d’être

tranquille

devant les innommables

 

 

 

Rouges camélias

les mots flottent ce sont des fleurs

têtes coupées qu’on voit passer dans le courant

ce sont des fleurs

sur les marches de pierre

dans le printemps à Shishigatani

 

discipline des mots

pétales de l’être

 

ou

 

          déréliction

 

 

 

Identifier est un mot fade

jadis je voulais tout verser de toi dans moi

 

le parfum des lys arrive comme

une respiration

souvenir

de ton éclat

il faut partit mon âme il va pleuvoir

je n’ai pas pris de parapluie

je pose sur la tombe

une carte postale c’est un tableau

et là-dessus un bonbon arlequin tout ce que je possède

les fleurs séchées je les ai oubliées à l’hôtel

le vide continue

de creuser il gagne du terrain

à grandes pelletées

     chez nous on ne brûle pas les corps

     on les enterre

     la terre fait un bruit mat quand elle tombe

l’esprit continue

de battre la campagne

il trouve les mots

 

identifier est un mot fade

je dirai plutôt de toi : Beauté

inextricable de ma vie

 

 

 

Entre temps

dans quelque creux du temps

je peux étendre mes bras droit devant

- l’eau s’ouvre et se referme –

à l’infini au devant de moi

ou me dresser

sur la pointe des pieds

au centre de l’humaine

désolation

souvent je cherche du temps pour cela

cela je ne sais ce que c’est cela

- les animaux il me semble vivent bien dans cela –

si je pouvais parler l’absent que te dirais-je

ce que je dis là se désintègre aussitôt

explose

dans l’inanité le doute

la douleur piquée d’épingles

je suis tombé dans ton vide j’ai senti

les dessous de ton déguisement

intempestif ton vide est ma prière ma leçon

intempestif quel mot

bizarre quand je le dis il ne s’accorde pas

avec ce cri     ténu     cette indolence

dans un geste

léger

 

 

 

Berceau de branches vide

dans la brume de mars

un compte secret rassemble

l’espace d’un instant

tout un printemps d’étoiles blanches

 

l’espace d’un instant

prunier sauvage

la forme de l’énigme

aussitôt consumée

 

enfouissement

trop court pour être inscrit

si ce n’est

bien en deçà               ces mots

 

                       l’espace

 

d’un instant

 

Berceau de branches vide

Editions fissile, 09310 Les Cabannes

Voir aussi :

La petite fille et la mort (27/01/2021)

Parler tout seule (24/01/2022)

Le vide continue de creuser (24/02/2024)

 

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