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Femmes en Poésie
25 janvier 2021

Virginia Pésémapéo-Bordeleau (1951 -) : Je te veux vivant

 

virginia-191x300[1]

 

Je te veux vivant

 

Ces mots arrachés à pleine pages,

Déracinés de leur boue,

Ils portent mon mal et ma peur

Qui rampent sur ta vie,

Sur la mienne.

 

Nous n’aurons pas ce temps des amours

Qui veillent auprès des flammes,

Qui jettent les branches sur le feu,

Afin que le froid se dérobe.

 

Il y a déjà ce seuil familier,

Emprunté par mon père,

Attendu par ma sœur,

Espéré par ma mère,

Imprévu pour mon frère,

Déchirure pour mon fils.

 

Leur âme me percute

Au cœur de mes nuits,

Me touche de leurs sortilèges,

Me fait des signes de connivence.

 

Vers quoi se tournera mon regard mouillé ?

Que ferai-je de mes doigts sensibles à ta soie ?

Tu me dis que les douleurs se muselleront

Aux étés revenus,

Au soleil des hommes qui m’aimeront.

    

     ***

 

N’oublie pas ces femmes voilées de plumes,

Postées au long de ta route,

Qui n’ont pas vu ton visage.

Le duvet de leur peau qui réclame tes mains

Et leurs lèvres, ta bouche.

 

Tu me crois la dernière,

Celle qui ferme la marche.

Mais ne vois-tu pas leur multitude,

Tremblantes sur le quai de l’attente,

Debout dans le noir de leur mystère.

 

Elles préparent le lit,

Brodent leur cœur de rouge,

Leur haleine de fraises sauvages,

Satinent leurs cuisses de velours

Et parfument leur espérance.

 

Tu es cet homme qui aime,

Tu ne peux pas renoncer,

Rebrousser chemin,

Dire ta fatigue du pèlerin

Ou ta soif de la fin du voyage.

 

Je te mentirai jusqu’au bout,

Sèmerai des tentations sous tes semelles,

Des doutes à la mort qui guette,

Détournerai son attention

En lui bandant les yeux.

 

     ***

 

En silence le rêve tisse ses filets,

Les illusions de déserts féconds.

Je me glisse sur ses ailes.

 

Les enfants iront propager ton nom

Aux quatre coins cardinaux,

Proclameront ta victoire sur le ciel.

 

Ton visage sur la toile de la nuit,

Mes seins dans tes mains

Te retiennent dans l’orbe de leur douceur.

 

Je ne veux pas que tu pleures.

Je ne veux pas de tes larmes.

 

Je sais.

 

On me dira de pierre dure,

D’offense à celui qui part.

Je ne prétendrai pas au courage,

Ni à la fidélité de celle qui aime.

 

Revue « Hopala, N° 43, septembre - novembre 2013 »

29000 Quimper, 2013

Voir aussi :

« Je suis de promiscuité... » (02/01/2019)

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