Lumière
le vendredi à sept heures du soir
par toutes les portes entre
un flamboiement
pour célébrer la création du monde
chaque septième jour la mer de lumière
se prête de nouveau à la terre
pour que l’on puisse distinguer ses formes
pour que l’on continue à leur donner
chaque jour un nouveau nom
le vendredi à sept heures du soir
tu es morte
en regardant vers la porte
et la lumière t’as inondée
depuis un cercueil en bois
arbre creux endormi
ton corps retournera
dans un drap blanc
à l’ombre fraîche de la terre
les gens déambulent
chuchotent, se regardent
nul ne sait que faire de la mort, ma sœur
nul ne sait que faire de la mort
sous les cyprès au sommet de la montagne
près des nuages et du silence
le regard se prolonge vers la clarté
six femmes lavent ta peau
elles l’honorent pour la dernière fois
elles prient pour le corps et l’âme
l’eau claire qui le purifie
nous déchirons nos robes à l’endroit du cœur
je marche lentement derrière le cercueil de pin
vers la grotte où tu habiteras
le rabbin murmure
l’un après l’autre nous jetons une pelletée de terre noire
afin de revêtir le cercueil nu
et d’y déposer un caillou
les pierres t’accompagneront tout au long du chemin
médiatrices parfaites rédemptrices
dure barrière d’humidité de feu
pour que tu ne perdes pas ton chemin
pour que tu ne reviennes pas
j’aurais préféré gardé la texture de la terre
poudre du caillou que je t’ai déposée en offrande
mais les vivants ont l’obligation de laver la mort
de la laisser à sa place
chaque pierre un fondement de ta nouvelle maison
sept jours de prière pour que l’âme dise adieu
sept jours pour qu’elle parte en paix
sept jours de cauchemar
assis par terre
près de la terre où tu reposes
les miroirs sont voilés
l’âme ne voit pas son visage
les proches ne regardent pas leur deuil
les couronnes de pain en cercles parfaits
attrapent en leur centre le vide
pur et protecteur
mémoire
la vie s’inventera tous les jours
les proches retourneront dans le monde
les miroirs seront dévoilés
aleha ha-shalom
Traduit de l’espagnol par Randolph Gilbert et Adrien Pellaumail
In « Monica Mansour. Poèmes »,
Edition Ecrits des Forges, Québec, 2009